(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)
La culture, une « exception française ». En affirmant cela, « on » ne nous dit pas vraiment tout. En France, la culture serait un domaine relevant du politique. Lequel se doit d’y déverser l’argent du contribuable, incapable d’apprécier ce qu’est la vraie culture. Et rien n’est jamais trop beau pour ce qui se voit. Mais ce qu’on ne voit pas, c’est que cette dépense est un profond gaspillage inefficace.
Le magazine du Conseil général de Haute-Garonne (numéro 124) (ça existe) nous annonce ainsi le dernier gouffre en date : l’ouverture de la médiathèque du CG31 à Labège. Présentée comme un « trésor culturel pour nos bibliothèques » et une « inépuisable source de rêve et de connaissance », elle est dotée de plus de 600 000 documents, mais n’est pas accessible au public, puisque censée fournir en contenu les seules 152 bibliothèques du département, ainsi que 5 bibliobus itinérants.
Rappelons-nous qu’il y a quelques années, c’est Toulouse qui avait inauguré l’immense médiathèque enjambant désormais la place Marengo, dans le dos de Pierre-Paul Riquet. Depuis d’autres ont fleuri aussi à Empalot, à Labège-Village, à Tournefeuille… Bref, les médiathèques sont à la mode. On en fait les champions de la culture comme d’autres font la culture des champignons, sortant en une nuit.
Sous prétexte d’accès à la culture pour tous, cette énorme vague de pseudo « investissements » illustre en fait le scandale des gaspillages de notre système « public » faussement généreux.
Arrêtons-nous sur l’objet principal d’une médiathèque : la lecture. Une étude récente établit que le titre le plus souvent sorti des bibliothèques est le Journal de Mickey ! Belle preuve d’efficacité de ces institutions à transmettre la culture française aux nouvelles générations, non ? Plus sérieusement, alors que la soi-disant Education nationale n’a jamais été aussi incapable d’apprendre à lire à nos enfants, peut-on nous faire croire que les médiathèques vont leur faire aimer Molière et Voltaire ?
A l’heure d’Internet, ces moyens sont complètement dépassés. Les jeunes de tous profils, qu’ils soient « défavorisés » ou pas, ont tous ou presque un accès illimité à la culture à tout instant, sans avoir à se déplacer, via ordinateurs ou téléphones portables. S’ils veulent lire Hugo, Rabelais, mais aussi Poe ou Nietzsche, ils n’auront aucun problème à trouver les grands textes de ces auteurs sur le Net, sans besoin de se transformer en rats de bibliothèque. Alors, à qui servent ces médiathèques ?
De plus, le pouvoir schizophrène crée l’Hadopi pour limiter le piratage, mais ne craint pas de donner accès à des milliers de CD ou DVD qui seront tous allègrement copiés. L’incohérence des politiques n’a hélas pas de limites. Sans oublier que ces « dinosaures culturels » occupent des fonctionnaires territoriaux, dont – selon le magazine – pas moins de 250 ont été formés l’année passée, rien que sur le département 31. Pour quels résultats ? Ah ben si, suis-je sot, pour créer de l’emploi inutile.
Sans même aller contester comment les nombreux titres ont pu être choisis, on comprend bien que l’objectif de donner accès à la culture pour quelques minorités que ce soit ne saurait être à la hauteur des montants prétendument « investis » et de leur coût de fonctionnement. Car dans ce cas, il serait légitime de demander combien la « majorité » a reçu en proportion dans ce domaine.
Il y a quelques années, quand tous ces chantiers furent décidés, la grande angoisse des élus avait pour nom la « fracture numérique ». On craignait que les « minorités défavorisées » ne puissent profiter des mêmes accès à Internet que les nantis. Et d’enfanter ce réseau de médiathèques inutiles et déjà mort-nées. Car la bureaucratie qui décide trop tard met en plus un temps infini à livrer.
Une fois de plus, l’exception culturelle, comme tout fruit de l’interventionnisme politique, se révèle un fiasco. Entre-temps, le laissez-faire capitaliste, lui, a fait son travail ordinaire : sans bruit, il a rendu la culture accessible partout et pour tous, pour presque rien, sans gaspillage ni tyrannie. Charge aux incultes de la découvrir par ces fabuleux moyens, à condition qu’ils en aient l’envie…
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