(Publié sur Le Cercle en 2015.)
Voilà qu’après l’agression dans le Thalys, où les services de sécurité se sont fait remarquer par leur absence, la peur immature qui caractérise notre société s’abat sur les gares qui ne seraient pas sûres. Et soudain, il faudrait « sécuriser » les halls des gares comme on prétend avoir sécurisé les aéroports, alors que depuis près de deux siècles, les gares sont conçues pour être ouvertes à tout voyageur.
Et on voit, sans rire, des estimations faites de combien la mise sous l’emprise des rayons X des immenses gares parisiennes pourrait coûter, exprimée en milliards, ce qui donne une idée de la démesure. Heureusement, je n’ai pas encore vu, mais cela ne saurait sans doute tarder, quelque intellectuel vaguement gauchiste s’indigner qu’on puisse ainsi mettre en rapport sécurité et milliards.
Il faut en premier lieu souligner l’incroyable gâchis et scandale de la sécurité aéroportuaire qui sert ici de référence. J’ai pris l’avion des centaines de fois et jamais je n’ai vu l’armée des rayons X et autres fouilleurs servir en quoi que ce soit à ma sécurité ou à celle des autres passagers. On y passe plus de temps à vérifier que votre dentifrice est dans un tube – même à moitié vide – de moins de 100ml qu’à se demander comment faire un cocktail Molotov rien qu’avec les articles en duty-free.
Même si la menace est très différente, mon métier du conseil en sécurité informatique m’a au moins convaincu de la validité d’un principe essentiel de nos société, mais qui se voit en pleine perte de vitesse, hélas : celui de la présomption d’innocence. Ce principe, rappelons-le tant il est oublié de tous, veut qu’on ne soit coupable que sur preuve et donc innocent par défaut, cela sans exception.
Ce n’est pas qu’une simple manière de protéger les gens de la police, c’est un principe de vie sociale. S’il devait suffire que j’aie peur de vous pour vous accuser d’une menace et pour vous faire enfermer, nous serions tous enfermés à la merci de l’arbitraire le plus complet. C’est pourtant ce que nous faisons dans les aéroports, nous sommes tous suspects d’agression potentielle, ni plus, ni moins. Est-ce donc ce genre de société hostile que nous voulons généraliser en l’étendant d’abord à nos gares ?
Mais revenons au Thalys pour nous souvenir que si la catastrophe a été évitée, c’est grâce à des gens courageux et habitués des armes. J’en tire plusieurs choses. Tout d’abord, il ne s’agit pas t’empêcher de monter dans le train tous ceux qui ont des armes, mais plutôt de faire en sorte qu’ils ne soient pas un danger. Et ils le seront d’autant moins qu’ils sauront que d’autres passagers se chargeront de les réduire au silence si besoin. Or pour cela, il faut responsabiliser chacun de nous, plutôt que nous inculquer la peur du voyou comme celle du gendarme. Cela passe par le retour au libre port d’arme.
La sécurité dans les trains n’a jamais posé problème pendant des décennies. Parce que les méchants avaient peur de se faire prendre et le voyageur n’avait pas peur d’intervenir. Dans la société actuelle, c’est le voyageur qui a peur et le voyou qui ose. Pas de doute, comme en 1984, la guerre, c’est la paix.
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