Monday, March 5, 2018

Il n'y a pas de concurrence déloyale

(Publié sur Le Cercle en 2016.)

La concurrence est un phénomène qui est bien plus simple que beaucoup le pensent. Pour le comprendre, commençons par ce qu’elle n’est pas. Tout entrepreneur le sait bien, par exemple un vendeur de voitures ou de téléphones, lorsqu’on se trouve en compétition face une autre voiture ou un autre téléphone, on cherche à expliquer au client en quoi notre produit est unique, ne serait-ce que par le prix. De même pour un séjour touristique, des légumes ou un nouveau collaborateur : c’est chaque fois ce qui les rend unique qu’on met en avant pour convaincre et amener la décision.

Ainsi, mon concurrent n’est donc pas celui qui a le même produit ou service que moi, mais celui qui arrive à mettre en avant sa différence. Mais dès lors, où s’arrête le jeu de cette différence ? Est-ce qu’une voiture de sport est en concurrence avec une voiture familiale ? Pour beaucoup d’homme, la réponse est positive dans la mesure où beaucoup aimeraient acheter les deux et donc doivent choisir laquelle acheter en premier. Est-ce que le train est en concurrence avec l’avion ? Bien sûr, quiconque a voyagé entre province et Paris hésite régulièrement, y compris avec voiture et covoiturage.

En réalité, la concurrence ne s’arrête pas là. Dans nos budgets, le voyage est en concurrence avec le sport, les loisirs, les sorties au restaurant, les livres ou encore les spectacles. Pourtant, aucun hôtel ne s’imagine, à tort, en concurrence avec un libraire. Le nœud de compréhension est ici : la concurrence n’est pas une chose que les acteurs de l’économie décident, mais que chacun de nous décide. C’est moi qui arbitre mes dépenses entre voyage ou voiture, banane ou alcool, téléphone ou formation.

Le concept de concurrence déloyale se révèle alors pour ce qu’il est : un vide sémantique, un contre-sens, une ineptie. Si c’est moi, l’individu, qui décide à chaque instant de ce que je considère être en concurrence, en choisissant librement telle dépense plutôt que telle autre, quel place la loi pourrait-elle tenir dans ce schéma ? A moins de m’interdire certains choix plutôt que d’autres, à moins de m’interdire de prendre le bus quand un train va à ma destination, comme ce fut longtemps le cas.

La concurrence est la normalité, elle est précieuse au progrès de tous par le choix qu’elle porte en elle. Les taxis et tous ceux qui hurlent à la concurrence déloyale sont de mauvaise foi, ils utilisent un faux concept pour justifier le recours à la loi pour réduire notre liberté à leur profit. Et on les écoute.