Monday, February 29, 2016

La concurrence déloyale : une pure invention

La concurrence est un phénomène qui est bien plus simple que beaucoup le pensent. Pour le comprendre, commençons par ce qu’elle n’est pas. Tout entrepreneur le sait bien, par exemple un vendeur de voitures ou de téléphones, lorsqu’on se trouve en compétition face une autre voiture ou un autre téléphone, on cherche à expliquer au client en quoi notre produit est unique, ne serait-ce que par le prix. De même pour un séjour touristique, des légumes ou un nouveau collaborateur : c’est chaque fois ce qui les rend unique qu’on met en avant pour convaincre et amener la décision.

Ainsi, mon concurrent n’est donc pas celui qui a le même produit ou service que moi, mais celui qui arrive à mettre en avant sa différence. Mais dès lors, où s’arrête le jeu de cette différence ? Est-ce qu’une voiture de sport est en concurrence avec une voiture familiale ? Pour beaucoup d’hommes, la réponse est positive dans la mesure où beaucoup aimeraient acheter les deux et donc doivent choisir laquelle acheter en premier. Est-ce que le train est en concurrence avec l’avion ? Bien sûr, quiconque a voyagé entre province et Paris hésite régulièrement, y compris avec voiture et covoiturage.

En réalité, la concurrence ne s’arrête pas là. Dans nos budgets, le voyage est en concurrence avec le sport, les loisirs, les sorties au restaurant, les livres ou encore les spectacles. Pourtant, aucun hôtel ne s’imagine, à tort, en concurrence avec un libraire. Le nœud de compréhension est ici : la concurrence n’est pas une chose que les acteurs de l’économie décident, mais que chacun de nous décide. C’est moi qui arbitre mes dépenses entre voyage ou voiture, banane ou alcool, téléphone ou formation.

Le concept de concurrence déloyale se révèle alors pour ce qu’il est : un vide sémantique, un contre-sens, une ineptie. Si c’est moi, l’individu, qui décide à chaque instant de ce que je considère être en concurrence, en choisissant librement telle dépense plutôt que telle autre, quelle place la loi pourrait-elle tenir dans ce schéma ? A moins de m’interdire certains choix plutôt que d’autres, à moins de m’interdire de prendre le bus quand un train va à ma destination, comme ce fut longtemps le cas.

La concurrence est la normalité, elle est précieuse au progrès de tous par le choix qu’elle porte en elle. Les taxis et tous ceux qui hurlent à la concurrence déloyale sont de mauvaise foi, ils utilisent un faux concept pour justifier le recours à la loi pour réduire notre liberté à leur profit. Et on les écoute.

On me contestera que jusqu’ici, je ne traite pas vraiment de concurrence déloyale. Ainsi, peut-on m’objecter, les taxis ne s’opposent-ils pas aux mototaxis, VTC ou Über dans le principe, mais dans les moyens. Laisser par exemple les motards approcher les clients dans un hall d’aéroport serait déloyal, parce que les taxis, qui font des heures de queue, ne peuvent faire de même.

Plus largement, on sait bien que les taxis parisiens considèrent comme déloyal le fait que les VTC aient si facilement accès à leur marché quand on impose aux taxis une licence ruineuse. Dans la même veine, les artisans boulangers ont mal accepté, il y a quelques années, l’arrivée sur le marché des chaînes telles que les Paul ou Brioche Dorée ; il s’en est suivi l’interdiction du mot « boulanger ».

Mais dans tous ces exemples, et dans tous les autres exemples qu’on pourra trouver, l’injustice ressentie, l’inégalité de traitement perçue, n’a que deux sources : la loi ou l’incompétence inavouée.

Prenons d’abord la loi. Pourquoi exiger des taxis qu’ils s’acquittent d’une licence préalable ? On sait qu’historiquement, il s’agissait de trouver un moyen de rassurer le client quant à la compétence du chauffeur, que ce soit en matière de conduite ou de connaissance de Paris et des meilleurs trajets. 
Mais c’était déjà mettre le vers dans le fruit pour une mauvaise raison : la loi n’est pas faite pour donner confiance entre les fournisseurs de produits ou services, mais pour établir les conditions d’une juste concurrence, c’est-à-dire la garantie de la responsabilité du fournisseur face au client.

C’est très différent et c’est la source d’une foule d’aberrations commerciales en ce pays. On pense aux nombreux monopoles bien sûr, mais il y a aussi les nombreuses professions faussement libérales, qui ne sont accessibles que sous conditions entrées dans la loi ; il y a de même tout un nombre de professions de niche, tels les moniteurs d’auto-école, qui ne devraient pas être réglementées.

Plus largement, on comprend que toutes – ou presque – ces professions qui crient plus ou moins régulièrement à la concurrence déloyale sont protégées par quelque texte de loi désuet et sans raison économique valable. Certaines, trop rares, sont discrètes et s’adaptent au monde réel sans faire de bruit – on pense aux chauffeurs routiers. La plupart par contre font parler d’elles à hauteur de leur incapacité à s’adapter et à affirmer leur véritable compétence. Car il faut bien le dire, quand on a la compétence et la reconnaissance qui va de pair, on n’a pas peur de la concurrence déloyale.

Sunday, February 21, 2016

La cri culture de l’agriculture

Désormais et depuis quelques dizaines d’années déjà, cela fait partie du folklore, de la culture de ce pays : comme le carnaval, au moins une fois par an les agriculteurs montent à Paris ou bloquent les routes pour se faire entendre, expliquer qu’ils ne gagnent pas assez et que le pouvoir doit les aider.

Il convient de préciser qu’au moins, malheureusement, ils ne mentent pas. La situation individuelle de chacun est en effet souvent catastrophique, et le fort taux de suicides de la profession en atteste. Ils ne sont donc pas tous à classer dans la même catégorie que les nombreux privilégiés qui, bien qu’à l’abri par leur statut, n’hésitent pas à venir faire souvent obstacle à la liberté et au travail d’autrui.

On ne peut s’empêcher pourtant de s’étonner que cette colère, ce cri agricole, semble n’être que la seule option de ces agriculteurs. Or les choix existent : que ferions-nous probablement à leur place ? Autrement sans doute...

Tout d’abord, si on prend le cas des laitiers, vu les risques, je ne suis pas sûr que je me serais endetté sur mes biens propres et à vie pour monter une laiterie. Ou alors, j’aurais commencé petit, pour ne pas tout perdre si le cours du lait devait baisser durablement. Ou si je m’étais rendu compte que de nombreux collègues eux aussi se mettaient au lait. Il faut qu’ils aient été inconscients pour que tant d’agriculteurs se soient endettés en même temps dans la filière laitière. Ou dans le porc, ou autre.

Bien sûr, comme dans tous les forts dysfonctionnements économiques, l’état à une grande part de responsabilité. C’est un peu notre crise des subprimes à nous : jamais l’état n’aurait dû pousser les banques à accorder autant de crédit pour financer ces trop gros investissements à fort risque.

Mais ce n’est pas tout. Il y a d’autres manières d’aborder le projet d’une laiterie. On peut par exemple se regrouper à plusieurs, créer une société et partager les investissements, et donc le risque. Ou encore, au lieu de créer une simple laiterie, on peut chercher à monter la production de produits laitiers originaux et donc à meilleure valeur ajoutée. Ce type de réflexion est très simple. C’est celui que fait tout entrepreneur devant un projet. Sans aller jeter du fumier s’il échoue.

Ce qui fait le vrai scandale de la cri culture actuelle, c’est que tout le monde semble accepter qu’elle ait un statut à part, qu’on subventionne à milliards des entrepreneurs incapables de profits quand ceux qui gagnent cet argent ne sont pas autorisés à se plaindre d’être imposés, taxés et taxés encore.

Saturday, February 13, 2016

Les tas d’urgences

Voici déjà des mois que nous sommes en soi-disant « état d’urgence ». Sans que le sentiment de sécurité soit revenu pour autant. Une urgence qui dure, et qui dure pour rien, voilà la réalité.

Créé en 1955 au moment de la Guerre d’Algérie, le concept d’état d’urgence se voulait répondre à un danger imminent et fort envers le pays, à l’époque celui d’une fracture qui s’est en effet matérialisée depuis par le retour de l’Algérie à l’indépendance. On pourrait largement contester le risque que les circonstances de l’époque justifiaient pour sortir des règles de la constitution, même provisoirement.

Après tout, le principe même de toute constitution repose sur l’idée qu’elle établit le droit fondamental à valoir en toutes circonstances. On ne peut normalement jamais se trouver hors de la loi fondamentale, sinon ce n’en est plus une. Imaginer de ce fait l’état d’urgence, ce n’est rien d’autre qu’imaginer sortir du régime de la constitution pour passer subrepticement sous celui de l’arbitraire.

C’est donc un concept dangereux pour le peuple, contrairement à ce que François veut nous faire croire. Car il donne potentiellement pleins pouvoirs au pouvoir. Et le danger dans toute société ne vient pas de mon voisin, mais de celui ou ceux qui disposent de la force et peuvent en abuser contre moi. L’état en tant que monopole de la force est donc le seul danger dans une société humaine.

Le rôle prétendu d’une constitution, c’est de limiter le potentiel qu’a l’état d’abuser du pouvoir. En réalité c’est un leurre, mais c’est toujours mieux que pas de constitution du tout. Or l’état d’urgence, c’est précisément sortir du faible cadre de la constitution et donner un pouvoir incontrôlé à l’état.

En 1955, au moins, l’état d’urgence avait été limité en durée à quelques jours. Le concept ne pouvait nous menacer que ponctuellement. Avec son état d’urgence de trois mois, notre cher François n’a pas craint de tordre une loi inconstitutionnelle pour en imposer une encore plus inconstitutionnelle.

Car désormais, comme les résultats vis-à-vis du terrorisme ne seront pas à la hauteur, parce qu’ils ne peuvent pas l’être, plus rien n’empêche de déclarer un état d’urgence au sein de l’état d’urgence. Ou de déclarer tout et n’importe quoi comme une urgence qui justifie de prolonger l’arbitraire légalisé.

On était déjà sorti du peu de contrôle du pouvoir par le peuple rendu possible par le parlement lorsque le président a pu dissoudre à sa guise l’assemblée nationale. Désormais, la liberté est du côté de l’abus de pouvoir. Nous avons mis le pied sur des tas d’urgences, et cela ne sent vraiment pas bon.

Sunday, February 7, 2016

Mon combat

La réédition de « Mein Kampf » fait grand bruit, en Allemagne comme chez nous. Rendue possible par la fin des 70 ans de copyright qui paradoxalement en avait rendu possible le maintien dans le secret et l’oubli, il ressort en librairies sous la forme d’une édition se voulant critique, mais critiquée.

Un micro-trottoir montre une foule de réactions négatives, justifiées bien sûr par l’image fortement haineuse que porte ce texte. En gros, Hitler c’est mal, il ne faut donc pas le lire ni surtout le publier.

Il est évident que je me garde bien de faire l’apologie de cet ouvrage, encore moins de son auteur. Quiconque a lu trois de mes lignes sait mon opposition à toute politique et au fascisme en particulier.

Il demeure, cet événement est une belle illustration d’une des grandes confusions de notre époque, l’amalgame entre le droit et la morale, et par extension, le rôle moralisateur qu’on accorde à l’état.

Car, environ un an après l’attentat envers Charlie Hebdo, quand on en fait encore son deuil, alors que les manifestations revendiquant le droit à la liberté d’expression ont battu leur plein en continu, habillées de moralisme vaguement libertaire – oui, c’est un oxymore – on semble oublier que cette liberté d’expression suppose la liberté de publier les pires œuvres, même celles de Hitler, ou de Mao.

Il faut le dire, le gauchisme ambiant n’hésite pas à prendre les habits d’une – fausse – morale docte et à critiquer voire interdire tout ce qui est supposé aller à l’encontre dudit gauchisme malodorant.

Je n’ai pas lu ce nouveau Mein Kampf. Mais j’en trouve l’objectif annoncé excellent. Ce n’est pas en enfouissant cet ouvrage qu’on luttera durablement contre ses idées. Au contraire, c’est en les mettant au grand jour et en favorisant le débat et l’explication, celle qui montre les erreurs de Hitler.

A cet égard, l’état de Bavière, qui en a interdit la réédition pendant des décennies, a fait l’inverse de ce qu’il fallait pour vraiment détruire l’attrait du fascisme pour son peuple. On est en droit de se demander si c’est par hasard, par incompétence ou pour des raisons historiques plus inavouables.

C’est le même phénomène que la lutte contre le terrorisme. On ne lutte pas contre le terrorisme en accroissant la pression sécuritaire. Hitler justifiait guerre et terreur par la lutte contre les Juifs. La lutte contre les fausses idées politiques passe par l’explication et le libre débat. Mais le danger pour le politicien, c’est qu’à ce rythme, le débat a vite fait de détruire les illusions dont il fait commerce.

Mon combat à moi, c’est de dénoncer tous ces mensonges, ces incohérences et ces fausses façades pseudo moralisatrices mais qui en réalité sont toutes autant de tentatives de s’imposer à autrui. Il est incroyable que dans ce pays qui a Liberté comme premier mot de sa devise, nous soyons si peu nombreux à garder cette vigilance. Car les thèses de Mein Kampf sont depuis longtemps à l’œuvre.