Voici déjà des mois que nous sommes en soi-disant « état
d’urgence ». Sans que le sentiment de sécurité soit revenu pour autant. Une
urgence qui dure, et qui dure pour rien, voilà la réalité.
Créé en 1955 au moment de la Guerre d’Algérie, le concept d’état
d’urgence se voulait répondre à un danger imminent et fort envers le pays, à l’époque
celui d’une fracture qui s’est en effet matérialisée depuis par le retour de l’Algérie
à l’indépendance. On pourrait largement contester le risque que les
circonstances de l’époque justifiaient pour sortir des règles de la constitution,
même provisoirement.
Après tout, le principe même de toute constitution repose
sur l’idée qu’elle établit le droit fondamental à valoir en toutes
circonstances. On ne peut normalement jamais se trouver hors de la loi
fondamentale, sinon ce n’en est plus une. Imaginer de ce fait l’état d’urgence,
ce n’est rien d’autre qu’imaginer sortir du régime de la constitution pour
passer subrepticement sous celui de l’arbitraire.
C’est donc un concept dangereux pour le peuple,
contrairement à ce que François veut nous faire croire. Car il donne
potentiellement pleins pouvoirs au pouvoir. Et le danger dans toute société ne
vient pas de mon voisin, mais de celui ou ceux qui disposent de la force et
peuvent en abuser contre moi. L’état en tant que monopole de la force est donc
le seul danger dans une société humaine.
Le rôle prétendu d’une constitution, c’est de limiter le potentiel
qu’a l’état d’abuser du pouvoir. En réalité c’est un leurre, mais c’est
toujours mieux que pas de constitution du tout. Or l’état d’urgence, c’est
précisément sortir du faible cadre de la constitution et donner un pouvoir
incontrôlé à l’état.
En 1955, au moins, l’état d’urgence avait été limité en
durée à quelques jours. Le concept ne pouvait nous menacer que ponctuellement. Avec
son état d’urgence de trois mois, notre cher François n’a pas craint de tordre
une loi inconstitutionnelle pour en imposer une encore plus
inconstitutionnelle.
Car désormais, comme les résultats vis-à-vis du terrorisme ne
seront pas à la hauteur, parce qu’ils ne peuvent pas l’être, plus rien n’empêche
de déclarer un état d’urgence au sein de l’état d’urgence. Ou de déclarer tout
et n’importe quoi comme une urgence qui justifie de prolonger l’arbitraire
légalisé.
On était déjà sorti du peu de contrôle du pouvoir par le
peuple rendu possible par le parlement lorsque le président a pu dissoudre à sa
guise l’assemblée nationale. Désormais, la liberté est du côté de l’abus de
pouvoir. Nous avons mis le pied sur des tas d’urgences, et cela ne sent
vraiment pas bon.
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