La concurrence est un phénomène qui est bien plus simple que
beaucoup le pensent. Pour le comprendre, commençons par ce qu’elle n’est pas.
Tout entrepreneur le sait bien, par exemple un vendeur de voitures ou de
téléphones, lorsqu’on se trouve en compétition face une autre voiture ou un
autre téléphone, on cherche à expliquer au client en quoi notre produit est
unique, ne serait-ce que par le prix. De même pour un séjour touristique, des
légumes ou un nouveau collaborateur : c’est chaque fois ce qui les rend
unique qu’on met en avant pour convaincre et amener la décision.
Ainsi, mon concurrent n’est donc pas celui qui a le même
produit ou service que moi, mais celui qui arrive à mettre en avant sa
différence. Mais dès lors, où s’arrête le jeu de cette différence ? Est-ce
qu’une voiture de sport est en concurrence avec une voiture familiale ?
Pour beaucoup d’hommes, la réponse est positive dans la mesure où beaucoup
aimeraient acheter les deux et donc doivent choisir laquelle acheter en premier.
Est-ce que le train est en concurrence avec l’avion ? Bien sûr, quiconque
a voyagé entre province et Paris hésite régulièrement, y compris avec voiture
et covoiturage.
En réalité, la concurrence ne s’arrête pas là. Dans nos
budgets, le voyage est en concurrence avec le sport, les loisirs, les sorties
au restaurant, les livres ou encore les spectacles. Pourtant, aucun hôtel ne s’imagine,
à tort, en concurrence avec un libraire. Le nœud de compréhension est ici :
la concurrence n’est pas une chose que les acteurs de l’économie décident, mais
que chacun de nous décide. C’est moi qui arbitre mes dépenses entre voyage ou
voiture, banane ou alcool, téléphone ou formation.
Le concept de concurrence déloyale se révèle alors pour ce
qu’il est : un vide sémantique, un contre-sens, une ineptie. Si c’est moi,
l’individu, qui décide à chaque instant de ce que je considère être en
concurrence, en choisissant librement telle dépense plutôt que telle autre, quelle place la loi pourrait-elle tenir dans ce schéma ? A moins de m’interdire
certains choix plutôt que d’autres, à moins de m’interdire de prendre le bus
quand un train va à ma destination, comme ce fut longtemps le cas.
La concurrence est la normalité, elle est précieuse au
progrès de tous par le choix qu’elle porte en elle. Les taxis et tous ceux qui
hurlent à la concurrence déloyale sont de mauvaise foi, ils utilisent un faux
concept pour justifier le recours à la loi pour réduire notre liberté à leur
profit. Et on les écoute.
On me contestera que jusqu’ici, je ne traite
pas vraiment de concurrence déloyale. Ainsi, peut-on m’objecter, les taxis ne s’opposent-ils
pas aux mototaxis, VTC ou Über dans le principe, mais dans les moyens. Laisser
par exemple les motards approcher les clients dans un hall d’aéroport serait
déloyal, parce que les taxis, qui font des heures de queue, ne peuvent faire de
même.
Plus largement, on sait bien que les taxis parisiens
considèrent comme déloyal le fait que les VTC aient si facilement accès à leur
marché quand on impose aux taxis une licence ruineuse. Dans la même veine, les
artisans boulangers ont mal accepté, il y a quelques années, l’arrivée sur le
marché des chaînes telles que les Paul ou Brioche Dorée ; il s’en est
suivi l’interdiction du mot « boulanger ».
Mais dans tous ces exemples, et dans tous les autres exemples
qu’on pourra trouver, l’injustice ressentie, l’inégalité de traitement perçue, n’a
que deux sources : la loi ou l’incompétence inavouée.
Prenons d’abord la loi. Pourquoi exiger des taxis qu’ils s’acquittent
d’une licence préalable ? On sait qu’historiquement, il s’agissait de
trouver un moyen de rassurer le client quant à la compétence du chauffeur, que
ce soit en matière de conduite ou de connaissance de Paris et des meilleurs trajets.
Mais c’était déjà mettre le vers dans le fruit pour une mauvaise raison : la
loi n’est pas faite pour donner confiance entre les fournisseurs de produits ou
services, mais pour établir les conditions d’une juste concurrence, c’est-à-dire
la garantie de la responsabilité du fournisseur face au client.
C’est très différent et c’est la source d’une foule d’aberrations
commerciales en ce pays. On pense aux nombreux monopoles bien sûr, mais il y a
aussi les nombreuses professions faussement libérales, qui ne sont accessibles
que sous conditions entrées dans la loi ; il y a de même tout un nombre de
professions de niche, tels les moniteurs d’auto-école, qui ne devraient pas
être réglementées.
Plus largement, on comprend que toutes – ou presque – ces
professions qui crient plus ou moins régulièrement à la concurrence déloyale sont
protégées par quelque texte de loi désuet et sans raison économique valable.
Certaines, trop rares, sont discrètes et s’adaptent au monde réel sans faire de
bruit – on pense aux chauffeurs routiers. La plupart par contre font parler d’elles
à hauteur de leur incapacité à s’adapter et à affirmer leur véritable
compétence. Car il faut bien le dire, quand on a la compétence et la
reconnaissance qui va de pair, on n’a pas peur de la concurrence déloyale.
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