Commençons par le camembert ci-dessous qui donne les parts relatives des 17 budgets ministériels au sein des deux milliards dépensés en 2015. On voit immédiatement trois ministères qui se taillent la part des lions, tous les trois étant largement au-delà des 400 millions annuels : l’agriculture, la culture et le « travail ». A tous trois, ils font 65% soit presque les deux tiers de l’ensemble des dépenses. Si on baisse la barre à 150 millions, on leur ajoute alors deux autres mastodontes que sont l’éducation et les sports, le pourcentage total passant alors à 82%. Les cinq thèmes de ces 82% sont très évocateurs, et l’orientation très politique d’un tel budget global ne fait guère de doute.
Il est intéressant de constater qu’à l’inverse, les ministères strictement régaliens (Intérieur, Justice et Défense), grands sujets d’attention pour tout œil libéral, ne représentent au total que 61,7 millions et 3% de la masse. Cet écart énorme entre régalien et non-régalien n’est d’ailleurs pas une réelle surprise, car on le retrouve en tendance dans la structure des budgets ministériels : tout le monde sait bien, cela revient régulièrement faire les unes, que justice et défense sont « mal financées », par exemple – à supposer bien sûr qu’il faille les financer, mais supposons.
Il reste 15%, ou quelque 299 millions, pour les 9 ministères restant, soit 33,3 millions chacun en moyenne. A noter que pas moins de 5% (92 millions) concernent le fonctionnement de l’état (Décentralisation, Finances et « Services de Premier ministre »), dont on peut se demander comment cela vient justifier des subventions associatives. Dans les 10% restant, 4% (78 millions) sont motivés au titre de l’écologie et du « développement durable », qui font disons une « belle percée », cohérente avec le bruit qui est fait depuis des années dans ce domaine très discutable.
Voyons maintenant comment les programmes et budgets se répartissent selon les ministères. Pour chacun, on va suivre la même trame, celle d’une série de nuages de points répartissant les programmes du ministère par montant budgétaire croisé avec le nombre d’associations subventionnées. Chacun des 17 ministères a son graphique, sauf 4 qui n’ont que 1 ou 2 programmes et qui de ce fait ont été regroupés sur le même graphique, pour éviter 4 graphiques quasiment vides sur lesquels il n’y aurait pratiquement rien à dire.
Surprise, les affaires étrangères arrivent à dépenser quelques 30,5 millions auprès de 526 associations alors qu’on pourrait imaginer que les associations de notre territoire ont relativement peu de lien avec la diplomatie nationale, forcément à l’étranger. Pourtant, le programme P209 absorbe pas moins de 24 millions pour « Solidarité à l’égard des pays en développement » – ah, le beau mot que voilà, la solidarité financée par l’impôt involontaire des citoyens.
Le Jaune nous apprend que « Dans le cadre de sa politique de développement et de solidarité internationale, le MAEDI (*) valorise le partenariat avec les ONG françaises et met en oeuvre l’objectif d’accroissement de l’aide transitant par les ONG. Les subventions versées en 2015 à partir du programme 209 ont permis de financer des actions en matière de solidarité internationale, d’aide d’urgence, de missions de volontaires, d’appui en matière de gouvernance et de protection des droits humains, de santé et de protection des femmes et des enfants, ainsi qu’au titre de la coopération décentralisée. » (*) Ministères des Affaires Etrangères et du reste, pour mémoire.
On passera sur l’aspect aberrant d’un programme sur la Conférence ‘Paris Climat’ vu le budget limité : 117 000 euros – un emploi fictif ? Par contre, les « Français à l’étranger » n’ont droit qu’à 337 917 euros pour venir leur marquer « solidarité », ce qui fait pour les 1 710 945 expatriés environ 20 centimes de soutien pour le moins « actif » !
Viennent ensuite, selon ordre alphabétique, les affaires « sociales », la santé et le « droit des femmes ». Un coup d’œil au « Jaune » informe que le ministère n’a pas cru nécessaire d’y partager avec le peuple le détail de sa politique de financement des associations, on n’y trouve que la liste brute des subventions, obligatoire. Service public n’empêche pas cette fois le service minimum ; on va donc tenter d’imaginer l’inimaginable.
Toujours est-il que ce ministère s’est doté de quatre programmes très différents à la fois dans leurs thèmes, leurs budgets et leur diffusion. Le ministère distribue 23,4 millions dont 59% sont alloués au programme P304 : « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », qui ne touche que 272 associations seulement. Outre que le sujet de l’économie « sociale et solidaire » est une grande tartufferie – car l’économie étant le produit de l’action libre des hommes, tous les hommes, elle est par essence toujours sociale et solidaire – la portée de ce programme est très étroite – moins de 1% des associations financées – alors que son ambition semble universelle.
Dans la même veine, l’égalité entre les hommes et les femmes (P137) qui semble aussi une cause universelle ne dispose pourtant que de 5,5 millions, soit moins de la moitié de P304 pour 161 associations. Pauvres femmes.
On pourrait dire la même chose sur P157 et les handicapés, mais il semble plus intéressant de considérer P124 dont le libellé semble des plus « social » et pourtant complètement à gauche (pour le moins) et en bas du graphique. Avec 518 790 euros pour 22 associations, on sent qu’on a affaire là à un programme ambitieux qui manifestement pourtant n’a pas dû réussir à charmer les bureaucrates du ministères face aux autres thèmes, plus « tendances ».
Le prochain dans l’ordre alphabétique est l’agriculture. Avec 432 millions, 21% du budget, 8 programmes et 1 284 associations servies, il est le troisième plus gros ministère subventionneur en 2015. Et le graphique est sans équivoque : le P143 « Enseignement technique agricole » est de loin le plus glouton, en budget (338 millions) et en associations dépendantes (568). Mais voyons d’abord ce que le ministère dit motiver sa politique de subvention :
« Les subventions attribuées en 2015 par le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt couvrent l'ensemble de ses missions, dont, principalement : - l'économie et le développement durable des entreprises agricoles et forestières : actions en faveur du développement local et des dynamiques territoriales ; - de recherche et d'innovation pour l'adaptation au changement climatique, l'amélioration de la compétitivité de la filière et l'introduction de nouveaux produits adaptés aux marchés de la construction et de l'ameublement ; - la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation : actions de normalisation, d'amélioration de la traçabilité, de veille sanitaire et de promotion d'une alimentation de qualité ; - l'enseignement technique et supérieur : subventions aux établissements d’enseignement agricole privés et aux organismes de formation d’enseignants. Ces subventions couvrent aussi : - la recherche appliquée et l'innovation en agriculture : subventions de programmes annuels et d'actions sélectionnées par appel à projets ; - l'action sociale du ministère : subventions à l'ASMA et aux différentes associations de gestion de restaurants inter-administratifs ; aux Académies d'agriculture de France et vétérinaire de France ; aux organisations syndicales, à l'association des membres du mérite agricole, au Réseau d'Information Comptable Agricole. »
Ce texte est un chef d’œuvre de langue de bois. Il se contente de reprendre les « missions » du ministère, sans jamais donner le moindre argument ayant pu servir à l’arbitrage des subventions, à commencer par P143, et sans discuter du rôle relatif et de la légitimité des subventions au sein de l’ensemble des actions du ministère. On passera à la fin sur le financement de privilèges (« restaurants inter-administratifs », « Académies d'agriculture de France », « vétérinaire de France », « organisations syndicales », « association des membres du mérite agricole ») et sur les arguments à la mode mais dont on n’est dupes, telle « l'adaptation au changement climatique ». Surtout quand on constate que face à ce « défi » du « réchauffement », le P149 « Forêt » ne bénéficie que de 718 700 euros.
Derniers ministères de cette première série (les autres seront abordés dans les prochains articles) on a regroupé quatre ministères qui n’ont que un ou deux programmes de montants relativement limités. Il s’agit de : « Décentralisation et fonction publique », « Économie, industrie et numérique », « Outre-mer », « Ville, jeunesse et sports ».
La décentralisation est le plus économe – on l’en félicite – qui ne dépense que 206 699 euros (0,01% de l’ensemble des subventions) via P148. L’économie numérique dispose de 34,8 millions pour deux programmes (P134 et P192) – en toute logique, si ses sujets étaient vraiment une priorité gouvernementale, il faudrait au moins aligner ce budget avec les plus gros pour le décupler : autrement dit, c’est un indice de non cohérence ou de désintérêt du sujet. L’Outre-mer avec ses 2,09 millions n’est pas non plus une grosse priorité, surtout l’emploi (P138) qui dispose de 85 500 euros pour 15 associations (5 700 par association, soit même pas de quoi financer un emploi fictif local).
Enfin et par contre, le ministère de la « Ville, jeunesse et sports » profite de 153 millions, ce qui en fait le cinquième plus gros en budget. On voit ses deux programmes sur la droite du graphique, ils se détachent nettement. On ne saurait approuver le principe d’une subvention qu’elle quelle soit, mais au moins peut-on convenir que ces finances sont a priori cohérentes avec leur objet, touchent beaucoup de monde et ne sont pas diluées sur une foule de programmes. On verra dans l’analyse plus fine des programmes que tout n’est pas pour autant sans poser question.
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