(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)
Depuis que l’écolo-mania est mode, communes et communautés de communes y vont de leur action pour donner l’impression de sauver la planète au nom du pseudo réchauffement climatique. Le traitement des ordures ménagères n’y échappe pas. Chaque maison se voit ainsi attribuée des poubelles à roulettes et couvercles de couleur constituant le summum de la bonne gestion des ordures et déchets ménagers. Summum ou monopole ? Réponse plus que tentante.
Avant les poubelles « smarties », vues les couleurs et le choc aux las, le système, certes loin d’être parfait, avait au moins l’avantage d’être simple, reposant sur des responsabilités claires. Chaque foyer sortait sa poubelle unique chaque soir, payant une taxe pour un service clair. Sa valeur venait de sa simplicité : pas besoin de réfléchir, la gestion des ordures était assurée par la municipalité. Puis la poubelle unique « Pac-man » est arrivée, ce qui sembla un progrès à beaucoup : une poubelle fournie, avec transfert hermétique des ordures. Puis avec le tri sélectif, les « Pac-man smarties » ont débarqué. Et là, nous avons basculé dans le scandale délirant, le Pac-man s’est retourné contre nous.
Tout d’abord, pas de choix possible. Ceux qui préféraient conserver le service antérieur ne se sont pas vus proposés cette option, même quitte à payer plus. Ensuite, l’écologiste exigeant d’optimiser le recyclage, le tri sélectif est passé à la charge du citoyen, sans qu’on nous explique pourquoi il n’y aurait pas de solution issue de l’innovation infinie des entreprises – car les indus trient, elles. Et bien que l’action de tri corresponde à la fourniture d’un savoir-faire mis à disposition, rien n’était prévu pour dédommager le citoyen de sa nouvelle charge d’extraction et de « valorisation ». Au contraire, des velléités choquantes se font jour pour taxer chaque foyer au poids de déchets aléatoire produits.
Sachant que la collecte est passée à un seul passage par semaine pour chaque poubelle, soit 2 à 3 passages par semaine, croyez-vous que les taxes aient baissé pour autant ? Sous le prétexte du financement des poubelles, ce qui n’est pas un service public gravé dans la constitution, l’adaptation des camions éboueurs, des usines de traitement, les taxes « ménagères » ont subi une hausse sensible. De plus, il y a peu, sur certaines communes de la région, la fréquence a encore été réduite à deux maigres passages par mois. Certains y voient un progrès, car cela réduirait la pollution due aux échappements des camions, mal choisis. Pour compenser, on a distribué de nouvelles poubelles, de capacité double. Et devinez quoi ? Les taxes continuent de flamber, et nous continuons de trier.
L’écologiste « normal », s’arrêtant de lire ici, se dit sans doute que ce discours égoïste justifie pleinement d’imposer le tri des ordures par « smarties ». Il n’aura alors pas su voir les questions de société soulevées par cette anecdote. La première tient au rôle des pouvoirs publics, qui n’est pas d’imposer le tri sélectif, mais de garantir les conditions sociales pour que les citoyens trouvent par eux-mêmes des solutions aux problèmes qui les concernent vraiment, y compris les ordures. La seconde tient au processus démocratique, où le peuple est invariablement méprisé par la bureaucratie et les politiques. Car à aucun moment le citoyen n’a été consulté, par le vote ou par le marché, pour confirmer son accord à voir le service public, financé par lui, à ce point transformé.
Le plus amusant, c’est ce paradoxe où le processus de tri des déchets ménagers se trouve finalement lui-même plus polluant et moins « durable » que le bon vieux système de nos parents, tout en confirmant bien qu’en situation de monopole, qui plus est forcé, les prix ne peuvent que grimper.
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