Monday, December 25, 2017

Mille et Une Commissions

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)

Au pays qui mille-et-une fois nuit, il existait en 2008 pas moins de 1006 commissions et conseils de tous ordres au niveau étatique et encore 668 restent recensés à ce jour – au budget 2013 – malgré paraît-il une véritable cure d’amaigrissement. Cette information est tout ce qu’il y a d’officielle et publique puisqu’elle est publiée chaque année sous la forme d’un « Jaune budgétaire ». (*)

Même s’il diminue, ce nombre reste énorme et bien malin celui ou celle capable d’en citer même une dizaine. D’autant que beaucoup ont des noms cocasses ou énigmatiques. Quelques exemples :

« Comité de surveillance des investissements d’avenir », « Comité d’orientation et d’évaluation de l’académie nationale du renseignement », « Commission consultative chargée d’émettre un avis sur les matériels susceptibles de porter atteinte à l’intimité de la vie privée et au secret des correspondances », « Comités consultatifs placés auprès des ministres responsables d’une grande catégorie de ressources »... Stop. Arrêtons-là le massacre. Mais à quoi tout cela sert-il ?

Soyons honnête, les montants des frais de fonctionnement sont le plus souvent modestes, même si bien des fois ils dépassent les 100 000 euros par an. Le record est détenu par une « Assemblée des Français de l’étranger » qui, avec 179 membres, a dépensé de 2009 à 2011 pas moins de 10,363 millions d’euros de nos chers impôts et taxes.

Mais le scandale et l’immoralité de cette myriade de comités Théodule va bien plus loin que leur seul budget, même alors que nous vivons une des plus graves crises économiques de l’histoire.

Nos gouvernements, toujours à géométrie variable, toujours pléthoriques, s’appuient de plus sur une armada administrative pour couvrir un champ toujours plus large. Comment se peut-il donc qu’il faille encore jusqu’à mille « comités » pour boucher semble-t-il les failles de ce dinosaure ? Comment par exemple peut-on justifier le besoin d’un « Conseil scientifique en pharmacie », financé par nos impôts et non par la profession elle-même ? De quoi se mêlent donc les bureaucrates ?

Car nous vivons une époque où on a oublié que le pouvoir et ses méandres doivent être limités, réduits, cantonnés au strict minimum pour assurer la justice et le droit. Et pas n’importe quel droit. Se mêler de « pharmacie », de « calcul intensif », de « développement de la presse », ce n’est pas du droit, ce n’est pas le domaine de la justice, ce n’est pas le domaine légitime des pouvoirs publics.

Sans oublier que ces comités connaissent une vie totalement hors de tout contrôle démocratique, source évidente de collusions, connivences, malversations – allez savoir quoi.

Ainsi, un ministre inventif vient à suggérer l’idée que la maîtrise du français serait nécessaire à l’intégration et hop, nous voilà imposés d’une improbable « Commission de labellisation (label « Français langue d'intégration ») » dont nul ne sait pourquoi elle serait nécessaire, qui la compose, ce qu’elle fait, son budget et surtout, combien de temps il va falloir – à contre cœur – la financer.

Notre vie politique est ainsi, depuis des années, entachée de la création quasi hebdomadaire de « machins » sur lesquels nous n’avons aucun contrôle, aucune visibilité, aucune participation. 668 comités, ce sont 668 domaines où notre liberté et notre responsabilité nous ont été confisquées.

(*) Pour 2013, le rapport est à cette adresse : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/farandole/2013/pap/pdf/Jaune2013_liste_des_commissions.pdf

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