(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son socio-politico-économique.)
Pour le commun des mortels, l’impôt serait un mal nécessaire. C’est ce qu’on nous apprend à l’école, du moins. La perversité des impôts et taxes, et de la dépense publique, est ainsi loin d’être reconnue largement. Et comme c’est la saison des taxes et que le gouvernement envisage de taxer jusqu’à la bière, laissez-moi vous expliquer en termes simples ce que tout le monde devrait pouvoir reconnaître.
Imaginons qu’une fois par semaine, 10 amis se retrouvent au bar et que l’addition totale se monte à 100 euros, soit 10 euros par personne. Nos dix amis décident de payer cette facture selon une répartition qui s’inspire du calcul de l’impôt sur le revenu, qui donnerait ceci : les 4 premiers (les plus « pauvres ») ne paient rien. Le cinquième paye 1 euro, le sixième 3 euros, le septième 7 euros, le huitième 12 euros, le neuvième 18 euros, et le plus « riche » reçoit le « privilège » de payer 59 euros.
Les dix hommes semblent assez contents de leur arrangement et de se retrouver chaque semaine pour boire leurs bières. Jusqu’au jour où le tenancier décide de leur faire une remise de fidélité pour les inciter à venir plus souvent : « Comme vous êtes de bons clients, dit-il, je vous fais une remise de 20 euros sur la facture totale. Vous ne payerez donc désormais l’ensemble de vos bières que 80 euros. »
Le groupe décide de continuer à payer la nouvelle somme selon leurs taxes. Les quatre premiers continueront à boire gratuitement. Mais comment les six qui payent vont-ils diviser les 20 euros de remise de façon « équitable » ? Un rapide calcul nous donne : 20 euros divisés par 6 font 3,33 euros. S’ils soustraient cette somme de leur partage, alors le 5ème et le 6ème devraient être payés pour boire leur bière. Voilà un problème de « redistribution équitable » digne de Bercy – c’est fait exprès.
Le tenancier de la brasserie suggéra qu’il serait plus équitable de réduire l’addition de chacun d’un pourcentage du même ordre. Il fait donc les calculs, et propose : le 5ème homme, comme les quatre premiers, ne paye plus rien. Le 6ème, 2 euros au lieu de 3 (moins 33%), le 7ème, 5 euros au lieu de 7 (moins 28%), le 8ème, 9 euros au lieu de 12 (moins 25%), le 9ème, 14 euros au lieu de 18 (moins 22%), et le 10ème, 50 euros au lieu de 59 euros (moins 16%).
Chacun des six « payants » paiera moins qu’avant, les 4 premiers continuant à boire gratuitement, rejoints par le 5ème. Mais, une fois hors du bar, chacun compare son économie : « J’ai seulement eu 1 euro sur les 20 euros de remise », dit le 6ème et en désignant le 10ème, « lui, il a eu 9 euros ». « Ouais ! » dit le 5ème, « j’ai seulement économisé 1 euro ». « C’est vrai ! » s’exclame le 7ème, « pourquoi aurait-il 9 euros à payer en moins et moi que 2 ? » Car en effet, le plus riche a eu la plus « grosse réduction ». « Attendez une minute », crie le 1er homme, « nous quatre n’avons eu aucune réduction du tout. Le système exploite les pauvres ! »
Bientôt, les 9 hommes cernent le 10ème « riche » et l’insultent. Le jour suivant, ce même 10ème homme ne vint pas prendre ses bières. Les neuf autres s’assirent et burent leur bière sans lui. Mais, quand vint la note, ils n’eurent pas assez pour payer, pas même la moitié de l’addition…
Et cela, chers lecteurs, est le strict reflet de notre système d’imposition. Les gens qui payent le plus de taxes tirent en effet le plus de bénéfices d’une réduction de taxe. Taxez les plus encore, accusez-les d’être riches, et ils pourraient bien aller boire à l’étranger... et les autres se voir bien mal en point.
Pour ceux qui ont compris, aucune explication n’est nécessaire. Pour ceux qui n’ont pas compris, aucune explication n’est possible… Quant à ceux qui ne veulent pas comprendre, je les salue…
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