Monday, November 20, 2017

Délit moche, un !

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici car quelques cinq ans après, car il garde toute son actualité économico-politique.)

Dailymotion : beaucoup d’internautes connaiss(ai)ent ce site de partage de vidéos. Contrairement à ce que son nom laisse imaginer, ce site est français. Et cocorico, une nouvelle fois, le ministre improductif du redressement (Arnaud Montebourg) s’est distingué en coupant arbitrairement cette pépite d’un riche futur, laissant une image très stalinienne de la France par le blocage de la vente de cette entreprise à la société américaine Yahoo!. (Le fait que depuis Yahoo! soit aussi en difficulté ne change rien à l’idée : qui sait si Yahoo! ne serait pas mieux connu aujourd’hui sous le nom de Dailymotion ?)

En fait, cette intervention illustre l’incapacité de nos hommes (ou femmes) politiques à toute vision économique, dont ils ne comprennent pas le fonctionnement – ou ne veulent pas le comprendre. Encore moins celle de l’internet, qui n’est absolument pas sur la même échelle de temps de réaction.

Cette vision franco-française se voulant très holiste de préservation des emplois donne du grain à moudre au populisme de bas étage, mais sacrifie comme toujours le long terme. Nous assistons à la lente agonie du modèle étatiste avec la croyance que l’homme politique peut déterminer, peut créer le développement. Depuis 40 ans et plus, on voit pourtant ce qu’il advient des différents secteurs de l’industrie dite lourde, là où l’homme politique a détourné des milliards. Les entreprises en bonne santé ont été dépouillées et n’ont pas pu redevenir ou rester compétitives sur leurs secteurs.

Dailymotion f(ais)ait partie des 50 sites les plus populaires au monde. Mais a-t-il les moyens de tenir la dragée haute à YouTube ? France Télécom, puis Orange, malgré les promesses, n’a jamais vraiment su la dynamiser car ce n’est pas son métier. La proposition de Yahoo! doublait la valorisation de cette société et permettait d’entrevoir des perspectives de développement car adossé à un grand de l’internet, spécialiste du contenu. L’Etat, actionnaire de France Télécom, propriétaire actuel de cette société, est certes en droit de s’opposer à la vente. Mais ce refus prive Dailymotion de l’oxygène nécessaire et la condamne à terme. Car Dailymotion va devoir subir un nouveau concurrent au lieu de jouer enfin le challenger. A moins que Orange s’imagine comparable à Google et Yahoo!.

Le jour où cela arrivera, on aura oublié cet épisode – ce qui se confirme bien quelques années après. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est qu’un ministre se vante d’avoir préservé 150 emplois en France. Mais ce qu’on ne voit pas, c’est que France Telecom voulait se séparer de cette activité non stratégique en engrangeant au passage une belle plus-value pour mettre cet argent dans ses activités stratégiques. Ce qu’on ne voit pas, c’est que France Télécom n’a aucun intérêt à développer Dailymotion. Ce qu’on ne verra pas, ce sont les emplois qui auraient pu être développés, y compris chez FT, car Yahoo! avait un véritable intérêt stratégique à acquérir Dailymotion. Ce qu’on ne verra pas, c’est que Dailymotion va galérer pour tenter de maintenir son activité. Et tout cela parce qu’un politique, un de plus en mal d’existence dans un naufrage sans précédent, s‘est imaginé en sauveur d’un bateau dont hélas avant lui ses congénères avaient percé la coque de partout.

Si les galériens avaient des boulets aux pieds à une certaine époque, c’était pour éviter leur évasion. De même, notre système d’état se fait esclavagiste avec les entreprises : au lieu de leur donner envie de continuer à se développer, la France leur met les deux boulets de la fiscalité et de l’arbitraire. Le pouvoir préfère les voir mourir demain plutôt que de les laisser partir pour vivre après-demain. Tout est bon pour les enchaîner encore un peu plus. Mais le politique n’est jamais que dans l’instant, dans le spectacle et dans l’illusion. Il doit pour exister marquer la société de sa patte quoi qu’il advienne.

Accepter l’idée que les politiciens ignares des lois de l’économie se permettent d’intervenir dans les décisions stratégiques des entreprises est probablement la dernière étape de l’installation du communisme en France par des gens qui s’en défendent, en plus. L’entrepreneur doit voir loin, il prend le risque de se tromper et il assume. Le politicien est son exact inverse, le fléau absolu.

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