Tuesday, November 14, 2017

Economie de la culture : inculture économique !

(Article originalement publié en 2013 pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici car quelques cinq ans après, il garde toute son actualité en matière politique.)

On ne mariera pas un artiste indépendant avec la chargée de la culture de la mairie de Toulouse. Les Chevaliers du Fiel, parmi les plus connus, sont si appréciés d’une municipalité qui les ignore depuis toujours qu’ils interpellent : « Sommes-nous trop populaires pour les élus du peuple de Toulouse ? » Nul n’est prophète en son pays… Combien d’autres prétendus artistes, politiquement plus corrects mais beaucoup moins célèbres aussi, bénéficient de largesses municipales qui laissent songeur ?

Il faut dire que depuis qu’André Malraux a eu l’idée saugrenue d’un ministère de la culture, puis qu’un certain Jack lui a donné un coup de peinture, la culture est devenue comme la flamme olympique de l’exécutif en ce pays riche d’histoire mais pauvre de culture … économique. Passons sur le scandale de l’assurance chômage des « intermittents du spectacle », profitant d’un système où plus d’argent sort qu’il n’entre : quel bonheur d’être un « artiste déclaré » au talent ignoré de tous !

Pourtant, que de chefs d’œuvre produits en ce pays au court des âges, sans ministre de la culture ! Et combien d’horreurs produites et d’œuvres ineptes financées depuis que la culture est devenue un sujet ministériel sans ménestrel ! Et qui ne laisseront aucun souvenir dans l’avenir culturel. Le Phare à Tournefeuille, devenu salle polyvalente, est un excellent exemple, comme le machin du rond point de la Barrière de Paris et celui à l’entrée de l’avenue Edouard Belin à Toulouse en sont d’autres.

La culture est gorgée de subventions au point d’être devenue un sport pratiqué par tout élu. C’est à celui qui aura le meilleur nez à découvrir du talent parmi les « artistes » locaux en les « soutenant » financièrement dans l’adversité de l’insuccès. On aime bien les artistes sans grand succès chez les élus, qui les utilisent pour asseoir leur pouvoir. Cela s’apparente plus à un système de manipulation au service d’une propagande politique plutôt qu’à une véritable reconnaissance artistique.

Et puis, contrairement à certaines vedettes, les médiocres ne sont pas « riches », ils ne s’affichent pas avec leur « argent », ça fait plus pitié et ça valorise l’élu généreux de l’argent des autres. Surtout, ces « artistes » étant moyens, ils sont dépendants : les soutenir, c’est les tenir, et tenir leur opinion…

Car les subventions ne sont autres qu’un détournement de l’argent du contribuable, et non celui des élus en propre. Or le peuple dispose déjà du meilleur des mécanismes d’appréciation de l’art des artistes. Il l’utilise largement, signifiant aux Chevaliers du Fiel qu’il est heureux de venir les voir, eux qui ne sont sous perfusion. Ce mécanisme, c’est le marché des billets de spectacles ou expositions. Chaque fois qu’un Toulousain achète un billet, il vote pour son artiste préféré(e), pas pour les autres. C’est dur pour les moins bons ? Pas si sûr. C’est un signal pour eux que leur véritable avenir n’est pas là où ils le croient – ils ont alors la possibilité de se perfectionner ou de changer d’orientation.

Pourquoi faudrait-il que les artistes soient subventionnés ? Pourquoi faudrait-il ainsi détourner de l’argent vers eux plutôt que vers d’autres ? Pourquoi faudrait-il financer salle de spectacle après salle des fêtes quand on n’arrive pas à rentabiliser les salles existantes ? A ce propos, à Toulouse, il y a la preuve qu’une activité privée culturelle fonctionne. L’histoire du Bikini avant AZF puis après est parlante, même si la chronique ici ne suffit pas à expliquer la perversité de l’action politique.

L’histoire le montre, les autres pays aussi, la culture n’a pas besoin d’un ministère ni d’adjoint(e) au maire pour prospérer et se développer. La culture vit chaque jour autour de nous. Comme toutes les activités sociales, elle est de nature économique, le beau et rare devenant cher et le nul ou laid restant aux premiers prix ou disparaissant. En matière de culture comme pour tant d’autres sujets, c’est le libre choix des citoyens, donc le marché et non les gouvernements politiques par oppression fiscale, qui seul peut assurer l’émergence de la qualité et le talent reconnu du plus grand nombre.

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