Showing posts with label écologie. Show all posts
Showing posts with label écologie. Show all posts

Thursday, November 1, 2018

Peut-on imaginer une société sans Etat ? - 2: Rôle présumé de l'Etat

Cet article constitue la seconde partie de la rédaction de ma présentation faite début novembre à Lyon, sur le thème de "Peut-on imaginer une société sans Etat ?", dont la première partie est accessible ici.

Cette fois, il s'agit d'entrer dans le sujet de l'état lui-même et des questions qu'il pose. Elles sont nombreuses, j'en ai retenues cinq qui partent des rôles classiques qu'on lui attribue communément, abordent ensuite des sujets plus contemporains mais hautement trompeurs, pour finir avec une réflexion ouvrant sur la démocratie.


Tension entre sécurité et dictature

La DDHC nous le précise, le dit clairement dans son Article 12 ("La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée."), le rôle premier de l'état est tout d'abord d'assurer notre sécurité, au sens large de cette "force publique" qui se doit de veiller au respect de nos droits. L'état est donc traditionnellement justifié, posé comme nécessaire et légitime du fait de ce besoin de sécurité inhérent à toute société "civilisée".

Il semble bien qu'une fois qu'on a dit cela, la question soit réglée une fois pour toutes : l'état serait donc indispensable, point final. Pourtant, on ne compte plus, dans l'histoire comme dans l'actualité, les exemples d'états devenus ou se comportant de manière dictatoriale, c'est-à-dire où sous prétexte de sécurité, les services de police ou de justice font violence a priori à des citoyens sans criminalité évidente. En théorie de la justice libérale, on exprime cela par la "violation du principe de non-agression", c'est-à-dire par "l'initiation de l'agression" envers une personne ne s'étend pas elle-même rendue coupable d'une telle initiative.

Il y a donc dans les faits une tension, une contradiction au minimum sous l'angle opérationnel, entre le besoin de sécurité auquel l'état est censé répondre et la non-sécurité que ce même état apporte souvent, sinon toujours, aux citoyens qu'il est réputé servir.

Cette tension n'est pas nouvelle, elle est connue depuis l'antiquité, où déjà Juvénal, satiriste romain, demandait il y a quelques 2000 ans "Quis custodiet ipsos custodes ?", c'est-à-dire "Mais qui gardera ces gardiens ?" Comment fait-on pour éviter que les gardiens à notre service finissent par nous mettre à leur service ?

Cela explique en partie l'existence de services que je dirai "élitistes" de sécurité, milices, gardes du corps, agents dans nos supermarchés, ou autres formes, dont la simple présence montre au moins que l'état tel que nous le connaissons ne suffit pas à régler cette question de la sécurité. Et que de plus, il ne le fait pas pour tous, puisque in fine ce sont ceux qui en ont le moins besoin (économiquement) qui finissent par trouver, opter pour des solutions alternatives.

Le but à ce stade de la présentation n'est pas encore d'apporter une réponse, j'y reviendrai plus loin, mais je vous glisse néanmoins une piste de réflexion : si la réponse ne peut venir d'une chaîne de gardiens des gardiens de gardiens, elle ne peut venir que d'une logique et d'une source complètement différentes, et qui se trouvent en nous tous.


Tension entre justice et injustice

Il s'agit bien sûr du même type de raisonnement que le point précédent, mais celui-ci était centré sur la police alors que je souhaite ici aborder la justice, l'autre pan du domaine de ce qu'on connaît sous le terme de "régalien", prétexte de l'état. Tous les paradoxes et biais identifiés pour la police se retrouvent pour la justice, avec par exemple l'infinie chaîne des appels et recours.

L'indépendance de la justice est une autre tarte à la crème classique, puisque les juges, fonctionnaires, réputés bras du pouvoir judiciaire séparé du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, sont en réalité payés par ce dernier grâce aux impôts qu'il a collecté par exécution des lois du troisième. On comprend que le juge, s'il doit trancher entre vous et un bureaucrate assez bien placé, ne vous laissera en réalité que peu de chances, car il pourrait bien être pécuniairement dépendant du bureaucrate.

Mais il y a deux perversités spécifiques de la justice étatique qui méritent qu'on s'y arrête un moment. La première qui vient à l'esprit tient bien sûr à l'erreur judiciaire. Elle n'est pas un scandale en soi, car juger certains crimes est loin d'être aussi facile et comme mathématique qu'on pourrait le souhaiter et l'erreur étant humaine, l'erreur du juge est impossible à éviter totalement - même si bien évidemment il faut chercher à la rendre aussi rare que possible. Le scandale vient par contre de la (faible) qualité de ce processus d'amélioration et des conséquences des erreurs.

Pour que la justice actuelle cherche réellement à s'améliorer, à faire moins d'erreurs, il faudrait que ses agents en aient une motivation tangible, pas que cela dépende de leur seule bonne volonté, forcément aléatoire. Dans le monde normal, quand on se trompe et qu'on est responsable, on en paye le coût - c'est d'ailleurs le principe de base de la "justice" instinctive. Or quel est le juge qui paye ses erreurs de jugement ? Vous en connaissez beaucoup qui se sont faits virer suite à erreur manifeste ? Comment peut-on espérer qu'il soit aussi prudent dans ses décisions qu'humainement possible s'il n'est pas lui-même directement motivé à réduire les conséquences de ses décisions ?

Cette perversion quant aux conséquences a historiquement conduit la justice (organe) à ne plus assurer la justice (service) dans sa démarche même. En effet, la justice moderne est ce qu'on appelle une justice punitive, elle sanctionne, par exemple par des peines de prison. Or une vraie justice, celle des cours d'école et des contrats que nous passons tous entre nous chaque jour est une justice réparatrice. C'est-à-dire une justice où celui qui cause des dommages à l'autre doit réparer - en payant ou en travaillant - ces dommages, éventuellement en ajoutant une compensation pour les torts causés. Dans une société juste, on ne cherche pas à mettre en prison, on cherche d'abord à dédommager les victimes. Où est passée cette justice-là ?


Recherche vs dogme

La recherche, bien que n'étant pas un domaine régalien, est considérée par beaucoup comme une des autres raisons de faire appel à un état. En France, cela se concrétise par l'existence du CNRS et de sa foule de laboratoires touchant aux domaines les plus variés et souvent insolites. Certains avancent ainsi que sans fonds "publics", sans bien préciser ce que cela couvre, il serait impossible de voir les travaux en recherche "fondamentale" financés, sans trop savoir ce que "fondamental" recouvre.

Je réponds que des gens comme Isaac Newton ou Albert Einstein ne se sont pas vus financés par un CNRS quelconque et que de nos jours, la masse de recherche mondiale dans des domaines aussi prometteurs que l'intelligence artificielle, la robotique ou les monnaies alternatives, parmi tant d'autres, doit l'essentiel de ses fonds à l'initiative et aux entreprises privées. Et que contrairement à cette image souvent idéalisée, le financement de la recherche par l'état conduit dans les faits à de nombreuses dérives qui ouvrent la porte au dogme et au politiquement correct. Je prendrai deux exemples pour l'illustrer.

Le dernier Nobel d'économie est allé à "deux Américains précurseurs de la croissance verte, Paul Romer et William Nordhaus". L'Académie justifie son choix par leur supposée mise au point de "méthodes qui répondent à des défis parmi les plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance durable à long terme de l’économie mondiale et bien-être de la planète." On admire la neutralité journalistique. Sujet que j'ai pu aborder par le passé, je ne suis personnellement absolument pas d'accord sur la pertinence de tels travaux, mais ce n'est pas mon propos ici. Il s'agit plutôt de voir que le sujet écologique et climatique est clairement de mode. Et que ces travaux et ce prix n'auraient probablement pas été financés ni accordés si leur travaux n'avaient porté cette thématique en bannière. Autrement dit, il ne s'agit pas vraiment de travaux de recherche "fondamentale", mais de recherche "orientée". Un Nobel récompensant des travaux de recherche fondamentale en économie aurait dû depuis longtemps récompenser l'inventeur du BitCoin, plutôt.

L'autre image ne semble n'avoir rien à voir avec la recherche. On y voit ma fille devant une énorme pierre au sein d'un mur ancien - nous sommes à Sacsayhuamán au Pérou. Le dogme archéologique officiel affirme que ce site, et beaucoup d'autres, serait Inca. Pourtant, personne ne sait expliquer comment les Incas ont pu hisser des pierres de quelques 100 tonnes à 3.700 mètres. Et les recherches dans ce domaine sont en train de connaître une vigueur grandissante, largement sous l'initiatives d'individus hors des circuits de recherche officielle. Certes, dans la masse du "buzz" on trouve à boire et à manger et les charlatans abondent. Mais il reste in fine qu'on est en présence, au Pérou comme en Egypte ou au Cambodge, d'un refus des officiels de reconsidérer leurs thèses face à des privés qui prouvent chaque jour un peu plus que ces thèses n'ont aucune solidité. Recherche contre dogme.


Ressources vs famine

Notre époque très écologique attire notre attention sur le besoin de "protéger" nos "ressources naturelles". Certaines seraient proche de l'épuisement. Et cela justifierait pour bien des écologistes la prise de contrôle étatique, peu importe la forme, de ces ressources. Seul l'état saurait protéger et seul l'état saurait qu'en faire. Lui seul saurait trouver ce point d'équilibre si complexe entre nourrir le peuple, le voir prospérer et protéger les ressources. Il faut se rendre compte que de tels raisonnement ont déjà existé il n'y a pas si longtemps qui ont conduit à des catastrophes écologiques et surtout humanitaires sans guère de précédents.

Pour ceux qui ne connaissent pas cette tranche de l'histoire récente, et qu'il soit clair que je prends cet exemple sans biais idéologique particulier, les années 1958-62 ont vu en Chine se former une famine épouvantable, aboutissant à quelques 25 millions de morts et à une quasi disparition de certaines espèces animales. Le livre mis en référence - Mao's Great Famine, Frank Dikötter - donne un récit et des faits d'une rare précision et je vous le recommande, même si sa lecture est déchirante au possible.

Peu m'importe que cette famine ait été le résultat de la dictature de Mao, de Staline ou de Hitler, ou même de Louis XIV ou de la Mère Michel ; la seule chose qui m'importe tient au fait qu'il ait pu exister - et donc qu'il peut exister - un état central qui impose sa motivation propre et forcément égoïste à tout un peuple au point de négliger la survie de celui-ci, et même de le décimer.

Il est important au passage de revenir sur la complexité de l'équilibre évoqué ci-dessus. Bien évidemment, même si Mao et ses sbires se sont révélés par cette famine être des monstres absolus, on peut supposer qu'ils ne l'avaient pas imaginée au départ et qu'elle est arrivée sans qu'il l'aient désirée explicitement. Ils imaginaient pouvoir forcer le destin, forcer l'équilibre en leur faveur, obtenir en claquant des doigts à la fois production et prospérité, par simple décision politique centrale.

Ils ont comme bien d'autres jacobins et grands planificateurs découvert que les hommes et l'économie ne se dirigent pas aussi simplement. La complexité de la société humaine est immense, notamment à l'échelle de centaines de millions d'hommes, comme à l'époque en Chine. Il est tout simplement hors de portée de quelque gouvernement que ce soit de trouver et d'imposer un équilibre qui en réalité ne peut qu'émerger des choix combinés et entrelacés des individus eux-mêmes. C'est une des raisons majeures qui me portent à faire la promotion de la société libre, sans état.


Démocratie vs tyrannie

Après le régalien qui le légitimerait, deux exemples de travers sociaux obtenus quand on élargit son champ, je me dois de jeter un rapide regard sur l'argument démocratique qui est à la mode pour justifier la généralisation de l'état en toutes choses.

L'idée de base est bien connue, elle est évidente : la majorité (électorale) serait plus importante à satisfaire que toute minorité, le choix de la majorité doit donc être privilégié. Et cela devrait s'appliquer au domaine politique comme à tout domaine où il s'agit de satisfaire les gens : la majorité l'emporte. Les deux images que j'ai retenues parlent d'elles-mêmes. La démocratie, celle de la majorité aveugle, cela donne un président qui a comme seule compétence d'avoir osé dire 'oui' à tout le monde, et ça donne aussi un dictateur digne des pires caricatures, qui sait lui comment ne laisser le choix à personne - un parmi tant d'autres, je précise.

Mais comment cela se fait-il ? N'est-il pas légitime de chercher à résoudre l'impossible choix de celui qui nous gouvernera par l'arbitrage laissé au plus grand nombre ? Manifestement, non. Sinon, depuis les quelques deux siècles que la démocratie se déploie, et surtout depuis le début de sa généralisation il y a exactement un siècle, si la démocratie était facteur de paix et de prospérité, nous n'aurions pas connu autant de guerres, de morts et, il faut oser le dire, de déchéance sociale généralisée.

Le problème de la démocratie est dans son concept même. Comme le dit Popper, la majorité n'a en fait que rarement raison en matière politique. Car la politique, c'est compliqué, la famine chinoise nous en a donné une idée, bien sombre. Et quand pour arriver au pouvoir, il suffit de promettre, de dire 'oui' à tout le monde, le premier imbécile et surtout le premier des tyrans a vite fait de comprendre la combine. Ce cher Georges Frêche ne nous a-t-il pas enseigné que ce sont les "cons" qui votaient pour lui ?

La solution n'est dès lors plus dans "plus de démocratie", la démocratie ne peut en effet que précipiter notre chute et notre appauvrissement. La seule option consiste au contraire à en sortir, à réduire l'état pour éviter tout dictateur et tyran, et de rechercher une autre forme de satisfaction du plus grand nombre, de "démocratie non-tyrannique". Pour moi, c'est celle qui vient du libre marché, du choix que nous faisons tous librement, celui du commerce. La démocratie non-tyrannique, c'est celle où les services assurés classiquement par l'état nous viennent tous du commerce. Je vais y venir dans une partie à suivre...

À suivre...

Tuesday, October 30, 2018

Peut-on imaginer une société sans Etat ? - 1: Exemples

Le 8 novembre prochain, à l'invitation de l'initiative "Débat Citoyen" de Christian Laurut, je serai sur Lyon pour tenir une conférence publique en soirée sur le sujet suivant : "Peut-on imaginer une société sans Etat ?" Le plan de la conférence, tel qu'annoncé, est le suivant :
  1. Rôle présumé de l'Etat et problèmes posés
  2. Exemples dans l'histoire et la vie quotidienne
  3. Quelques auteurs théoriciens (jusnaturalistes, école autrichienne...)
  4. Comment serait une telle société - Idées de base
  5. Prospective et initiatives.
Je ne suis pas sûr du public qui se déplacera. Ce qui est sûr, c'est que cette conférence s'inscrit au sein d'une série qui est de sensibilité plutôt écologiste et à gauche, et que l'endroit lui-même est un temple local de ces idées. Je m'attends donc à devoir parler à un parterre peu familier du libéralisme radical et potentiellement hostile. Nous verrons cela et je réviserai le présent billet en fonction. Quoiqu'il en soit, pour mieux capter l'attention de la salle, j'ai choisi d'inverser les deux premières parties et donc de commencer par des illustrations.

Dans ce premier article, je développe le discours prévu pour cette première partie prenant des exemples, et je développerai de même les suivantes dans des articles à suivre. Les images sont reprises du support de la conférence, ce qui permet à quiconque de profiter de cette présentation, peut-être mieux que via une vidéo.


Vol d'oiseaux

Comme point de départ, je vous propose d'admirer un immense vol, probablement des étourneaux. Si cette espèce produit des vols parmi les plus spectaculaires, beaucoup d'espèces manifestent des comportements similaires et toujours étonnants - on pense aux grands migrateurs formant leurs larges V dans nos ciels, et aux bancs de poissons qui posent les mêmes questions que nos étourneaux.

Je ne sais ce qu'il évoquent en vous, mais pour ma part, ces vols ou ces bancs immenses me fascinent par leur incomparable fluidité et continuelle transformation imprévisible. Et parce qu'ils posent selon moi quatre questions qui nous permettent d'entrer dans notre sujet :  Qui les pousse à se regrouper ? Comment font-ils pour ne pas se heurter ? Qui les guide et les oriente ? Qui décide et comment ?

Il n'est pas question de faire de l'éthologie, ce n'est pas mon domaine ni notre sujet, mais simplement de constater que ces colonies de milliers d'individus se forment sans raison apparente, du moins sans quiconque pour les forcer à le faire. En général on explique que ces groupes sont un mode de défense envers les prédateurs, il y a donc un intérêt de chacun qui se regroupe en un intérêt commun. Mais il demeure que personne n'a contraint ces oiseaux à se regrouper. Ils n'ont pas d'état, ni de gouvernement, ni de politiciens pour les "diriger".

Et alors qu'ils volent, ou nagent, ensemble et si proches, ils ne forment aucun chaos, ils sont au contraire en harmonie continue. Comment cela est-il possible ? Tout simplement, chacun à son niveau suit et surveille ses voisins immédiats, il garde ses distances. Le vol collectif est ainsi la résultante des vols individuels.

Et en effet parfois certains choisissent de s'éloigner un peu plus, ou un peu moins, et c'est ainsi que les vagues se forment. Enfin, qui dirige ces vols, qui conduit les migrateurs ? Pas d'élection chez ces espèces, pas de loi(e), pas de gouvernement ni de bureaucrate pour légiférer et ordonner. Certains oiseaux en suivent d'autres, comme nous suivons nos parents ou ceux que nous reconnaissons comme crédibles. Pas besoin d'état pour traverser le monde.


Files d'attentes

On me dira que c'est l'instinct qui a pris le dessus chez les animaux, mais que chez l'homme ces phénomènes sont inconcevables. Mais voilà que partout dans le monde, nous nous mettons en files, à la queue-leu-leu, en ordre, et cela spontanément, comme ici dans une gare - et il y a des centaines de gares comme celle-là.

À Paris et à Londres par exemple, il est d'usage dans les escalators de laisser le côté gauche libre pour ceux qui marchent, qui sont pressés. Ce n'est pas un règlement, ce n'est pas une loi, personne ne l'exige, ce n'est pas formellement sanctionné, mais celui qui ignore la règle a tôt fait de comprendre qu'il dérange tout le monde et qu'il ferait mieux de la respecter.

Les questions sont alors les mêmes : Qui en a décidé ainsi ? Qui fait respecter la règle ? Où est cet état supposé indispensable pour notre ordre ? Et les réponses sont un peu les mêmes : personne, tout le monde, nulle part.

Mais ne croyez pas que cela ne se passe ainsi que dans les pays asiatiques, ou dans les grandes villes. En matière d'ordre, on imagine rapidement le Japon, l'Allemagne, la Suisse. Mais même ici c'est pareil. Ferez-vous la queue pour aller aux toilettes ? Marcherez-vous sur les trottoirs en bousculant les autres ? Pourtant, qui vous y oblige ?

Quand on y réfléchit un peu, on se rend vite compte que nos sociétés, toutes nos sociétés reposent sur des règles élémentaires et minimales, plus ou moins élémentaires et universelles, ou du moins largement partagées, qui nous sont enseignées de génération en génération, sans que le Léviathan y soit pour quoi que ce soit.


Internet & Cybersécurité

Internet est un cas fort intéressant. Créé il n'y a encore que quelques années, il ne fut et reste encore un espace sans frontières, du moins pas au sens de celles de nos pays. Par conception même, lorsque depuis votre ordinateur vous consultez un site web à l'autre bout du monde, disons en Australie, cela est possible précisément parce que le réseau permet de traverser librement le monde et ses frontières politiques.

Même si Internet est désormais une "chose" fort organisée et normalisée, cette chose se caractérise par l'absence d'un "état" central au sens classique, qui aurait un président, un gouvernement et des ministres, encore moins d'élections car ce n'est pas non plus une démocratie. Et pourtant, cela fonctionne remarquablement bien.

Pourquoi évoquer la cybersécurité ? Parce que, outre que c'est mon domaine professionnel, elle illustre encore plus nettement cette distance du Net prise envers les "états" tels que nous les connaissons. Historiquement, il y a eu des problèmes de sécurité, devenue depuis "cyber", depuis les tous débuts du Réseau, quoique la menace à l'époque restait très limitée. Cela est tout simplement la manifestation de la part de criminalité qu'on trouve dans toute société.

En absence d'état, censé quand il existe assurer le "régalien", c'est-à-dire la police et la justice, les entreprises et organisations présentent sur le Net organisèrent leur propre défense, et on vit ainsi se créer des postes de "RSSI" un peu partout, toujours sans état central. Et dans les faits, cette foule de RSSI jouait collectivement le rôle de cet état.

Mais depuis quelques années, voilà que les pays - les états au sens politique - sont venus s'en mêler. Et que certains, pour ne pas dire tous, se sont mis à jouer eux-mêmes les pirates les uns des autres. Et ce faisant, nous nous retrouvons comme à l'âge d'or de l'espionage et du contre-espionage, où ces mêmes états prennent prétexte de cette nouvelle menace pour intervenir et "réguler", on devrait dire "réglementer", le Réseau qui marchait très bien sans eux. Et la menace historiquement limitée est ansi devenue une inquiétude majeure pour le devenir d'Internet.

Hélas, je pense que c'est caractéristique du comportement étatique moderne, car je ne compte plus les domaines de la société moderne où ce scénario se produit de façon identique ou analogue, où ce qui marchait sans état ne fonctionne plus avec un état qui s'en mêle et prétend venir en sauveur.


Rizières de Banaue

Il y a des rizières un peu partout en Asie, et ailleurs, et dans de nombreuses montagnes. Néanmoins, celles de Banaue dans les Philippines, classées par l'Unesco, sont spécialement exceptionnelles et intéressantes. Pour mémoire, elle occupent un espace comparable au département de la Gironde. La question qu'il s'agit de se poser quand on découvre ce résultat extraordinaire est double : Quel état - si état - a été nécessaire pour mener cet immense chantier à bien ? Et - question annexe, mais j'y reviendrai - ces terrasses sont-elles "écologiques" ?

Il est estimé que ces terrasses existent depuis 2.000 ans ou plus, dans une région fortement insulaire où l'histoire nous donne fort peu de traces de "pouvoir politique" fort et centralisé. Tout laisse à penser que ces terrasses ont été construites peu à peu, de proche en proche, génération après génération, par les villageois ou les communautés locales s'imitant ou peut-être s'entre-aidant les unes les autres, avec comme seule direction celle de mieux nourrir leurs familles. Il est fort peu vraisemblable que cet immense projet et résultat soit le produit d'un organisme planificateur central ayant eu une "vision" et ayant imposé cette vision à son peuple, comme c'est par contre à la mode de nos jours.

Un aspect de ce capital historique magnifique mérite qu'on s'y attarde, celui de la responsabilité de chacun. Celui qui décide de construire un rang supplémentaire au-dessus de tous les autres a tout d'abord besoin que chacun entretienne les chemins qui permettent de monter là-haut. Quant à lui, il doit construire sans altérer la rizière juste en-dessous, ni détourner toute l'eau à son seul profit. Cela se passe probablement par diverses tractations avec ses voisins, ou avec les membres de la communauté. Ce qui compte, c'est de voir que ces négociations aboutissent à un accord - ou pas et dans ce cas la nouvelle rizière ne se fera pas ainsi - donc à une forme de contrat, et cela sans imposer la force, sans contraindre et sans autorité autre que celle de l'intérêt et de la responsabilité de tous et chacun.

Ce processus incrémental et négociatif est à la base, selon moi et selon les libertariens en général, celui de toute société libre et civilisée, capable de plus de trouver un juste équilibre sous l'angle écologique, j'y reviendrai.


Zomia & Islande

On me demande souvent si une société sans état existe ou a existé. Il semble que les gens qui posent cette question ne se rendent pas compte que la société au quotidien passe son temps à s'organiser sans état - les rizières en donnent une illustration remarquable. Quand bien même, je crois intéressant de donner deux exemples qui ont chacun fait l'objet d'un ouvrage, la Zomia - qui est contemporaine et orientale - et l'Islande médiévale - historique et occidentale.

Le terme "Zomia" vient de l'historien Willem van Schendel, puis de James C. Scott, auteur de l'ouvrage référencé. Il s'agit d'une vaste zone montagneuse au nord de l'Asie du Sud-est allant du Tibet au Viet Nam. Elle se particularise par des territoires difficiles d'accès, où les états historiques ont une tradition oppressive et où de nombreux peuples refusent l’autorité des états auxquels cet espace appartient. Ils y ont établi des stratégies de résistance via la fuite en fond de montagne, avec divers degré de nomadisme et d'autarcie. Ainsi dans les faits, les peuples de ces régions vivent sans ou hors des états au sens classique du terme.

L'autre exemple, très différent, c'est l'organisation de l'Islande médiévale, sur quelques 300 ans après l'installation des futurs "islandais". Une "saga" et d'autres textes nous sont parvenus qui décrivent assez bien cette société - il faut savoir aussi qu'en Irlande il y eut une organisation similaire. Cette société se caractérise par une organisation entièrement commerciale : le plus marquant tient à la justice, assurée par des "chefs de clan" vendant leurs services de "chef" et de "juge". La justice était donc rendue par des notables en concurrence entre eux mettant en jeu leur réputation et faisant payer leur justice parce qu'elle était... juste, précisément. Je ne vais pas discuter ici les détails ni débattre des plus ou des moins de ce système, ce n'est pas mon sujet. Constatons simplement qu'il a existé et duré 300 ans, il a mal fini parce que in fine les politiciens ont réussi à trouver une faille au système et à prendre le pouvoir...

Je suis à peu près sûr qu'on peut trouver de nombreux autres exemples dans l'histoire et même dans l'actualité, voire dans notre quotidien.


Conférence elle-même

Ainsi, par exemple et pour conclure cette première partie, je vous propose simplement de vous rendre compte que l'organisation de cette conférence elle-même n'a nécessité pour sa préparation et son existence aucun état particulier, et que nous aurions pu l'organiser probablement de la même manière (si je mets la technologie de côté) en Islande, dans la Zomia, aux Philippines ou ailleurs. En fait, nous n'avons en général pas besoin de l'état pour nos projet, il vient plutôt y faire obstacle.

À suivre...

Sunday, January 21, 2018

Il faut que ça change, mais dès que ça change, tout le monde est dans la rue

(Paru sur Le Cercle en 2015.)
François Hollande c’était fait élire sur le « Changement, c’est maintenant ». Barack Obama annonce lancer un vaste plan pour contrer le changement climatique. Le changement, c’est un mot magique, une des grandes chimères et un des grands paradoxes du socialisme. Partout, toujours, on entend qu’il faut que ça change, mais en même temps dès que ça change, tout le monde est dans la rue.

Les premiers socialistes, devenus communistes, voulaient changer l’homme, voir l’éclosion d’un homme nouveau, meilleur et plus généreux, pour que tout change enfin. Encore aujourd’hui, le slogan de Hollande portait cette promesse égalitaire, ce changement tant espéré hors du capitalisme honteux qui porte en lui la misère du monde. Depuis plus d’un siècle, il faut que cela change, et en effet, depuis un siècle le socialisme s’est peu à peu répandu partout. Et pourtant rien n’a changé.

Il faut dire que chaque fois qu’on tente de changer, hop, les privilégiés montrent les dents et démontrent leur sens de la solidarité. Les professions libérales montrent soudain qu’elles sont si libérales qu’elles refusent que leur marché soit libéralisé. Les agriculteurs sont tellement sûrs de la qualité de leurs produits et de leur aptitude à satisfaire les consommateurs qu’ils leur bloquent les routes au moindre signe de retour à une politique agricole devenue peu commune. Et tant d’autres.

Car le propre du socialisme tient dans les avantages acquis, dans les privilèges de tous genres qui sont autant de prétextes de faux progrès social. Il faut redistribuer, voyez-vous, puisqu’il faut changer l’injuste vie de Pierre, Paul et Jacques. Alors on commence par donner à Pierre, puis on donne à Paul, en veillant à ce que Jacques ne râle pas trop. Mais si ce dernier se réveille, si le changement passe par une jacquerie « solidaire », on verra les Pierre se soulever et les Paul nous rouler dans la farine.

Mais le paradoxe est bien plus profond. Car le socialiste veut protéger, pour réduire l’emprise du diable capitaliste. Il protège les salariés du licenciement. Il protège les agriculteurs de prix trop bas. Il protège par la loi. Et la loi rigidifie le monde. Avec la loi, il devient illégal de changer. On est devenu salarié, c’est pour la vie. Mais la vie justement, n’est-elle pas faite de changement ? Si dans la vie nous perdons l’espoir du changement, celui qu’on construit de ses mains, à quoi sert-il de vivre ?

Alors, après avoir été réchauffement, c’est une aubaine que le changement devienne climatique, justement quand le climat dans les banlieues se réchauffe au point de bientôt bannir les lieux. Face à leur incapacité au changement annoncé qui pourtant fait leur fonds de commerce, il n’est pas surprenant que les politiciens de tous poils s’emparent des nouvelles chimères qui ne changeront rien mais qui leur permettent de repousser encore un peu l’échéance de leur déchéance annoncée.

Mais ne nous y trompons pas. Le dossier climatique ne sera rien d’autre qu’un autre fiasco socialiste, et pour les mêmes raisons : à vouloir contraindre l’homme à défaut ou au prétexte de le changer, au lieu de changer de dogme et libérer les structures sociales, le socialiste ne change que pour le pire.

Pape : Sauver la Planète de ses "sauveurs"

(Publié sur Le Cercle en 2015.)
En ce 18 juin, le Pape lance son appel (AFP : « Le pape François devait appeler jeudi les acteurs mondiaux à s’entendre pour sauver la planète du réchauffement ») comme qui surfe sur le Waterloo.

Sauver la planète ? Mais de qui s’il vous plaît, François ? N’est-il pas étonnant que Dieu n’ait semble-t-il pas prévu, en ses voix impénétrables, que la Planète pusse être mise en danger par sa Créature… Comme le disait le comique George Carlin, la planète ne nous a pas attendus et qui sait, c’était peut-être notre destin que de lui apporter des déchets nucléaires dont Elle a besoin pour son Plan à Elle…

Soyons sérieux. S’il est sain, voire saint, de se soucier de notre avenir sur Terre, encore faut-il le faire en gardant les pieds dessus. Or avant de se demander si la planète est en danger, il convient de se demander si l’humanité l’est. L’inverse revient à demander de sacrifier des humains à la protection incertaine d’un astre qui jusqu’à nouvel ordre n’a rien demandé. Autrement dit, la question écologique et plus largement la question de la décroissance n’est rien d’autre qu’un arbitrage à faire entre bien être et croissance de l’humanité face à conservation immuable de notre environnement.

On comprend déjà le paradoxe d’un Pape qui envisage l’Humanité comme un danger. Mais c’est parce que notre Pape est finalement comme – hélas – une immense majorité d’entre nous : il n’a pas appris ou pas compris les mécanismes économiques fondamentaux qui fondent tout tissu social. Plus exactement, il ne sait pas voir que la meilleure réponse à cette question majeure est celle du marché.

Du marché libre, s’entend. Car notre question étant une question d’arbitrage entre diverses options d’usage des ressources, il y a autant de réponses possibles et valables qu’il y a de gens concernés. En l’espèce, on peut la formuler ainsi : qui donc sur cette Terre est in fine le mieux placé pour décider entre sauver la Planète et sauver l’Homme ? La réponse est fort simple : personne et tout le monde.

Et si ce cher Pape, n’est pas n’importe qui ni monsieur Toutlemonde, il n’est manifestement ni apte ni en position de porter la voix de tout le monde.

Car personne et tout le monde, c’est le marché, celui constitué par chacun de nous dans le quotidien de nos actions et de nos choix. Ce n’est surtout pas aux politiciens de choisir, ils sont bien trop corruptibles et surtout bien trop loin de la réalité quotidienne de notre combat continu pour vivre et survivre. Par exemple, ils raisonnent en termes de ressources naturelles comme si celles-ci étaient fixes à jamais et pouvaient être produites et gérées mieux que nous le faisons nous-mêmes.

Pascal Salin nous rappelle ainsi que « les ressources naturelles n’existent pas. En effet, elles ne jouent aucun rôle économique, c’est-à-dire qu’elles ne répondent à aucun besoin humain, aussi longtemps que quelqu’un n’a pas inventé une utilisation de ces ressources. Les vraies richesses ne sont pas matérielles et physiques, elles sont subjectives et les objets matériels ne sont qu’un support éventuel de l’activité intellectuelle et de l’action humaine ». Étonnant qu’un Pape ne s’en rende pas compte.

PS : J’ai eu l’occasion de développer ces idées dans une vidéo critiquant le concept de décroissance, ici.

Wednesday, January 10, 2018

Circulez, mais surtout, payez…

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)

Toulouse reste depuis des mois envahie en son cœur même par les travaux de sa seconde ligne de tramway. Il était déjà difficile de circuler en centre-ville, c’est devenu annonciateur du rejet de la voiture dans la Ville Rose.

En quelques années, les voies de circulation, déjà étriquées dans un centre ancien, se sont vues rognées : rues piétonnes, voies pour bus, pistes cyclables et maintenant le tram. Il parait que c’est une avancée majeure : la voiture « polluante » est repoussée peu à peu hors de la ville où la place est faite aux transports en commun, seuls garants d’un transport à la fois « social » et « écologique ». Pourtant, il existe un éclairage bien moins flatteur sur cet accent lyrique à la mode.

Les voies pour bus semblent l’idéal pour leur ouvrir le trafic, avec leurs « foules » de passagers laborieux allant plus vite, plus loin, pour pas cher – enfin paraît-il. Mais la réalité est autre. Les bus sont le plus souvent peu chargés, voire vides. Les voies sont vides le plus clair du temps. Comparez la densité de passagers à l’heure dans les bus et celle des automobilistes, il n’y a pas photo. Pourquoi serait-il plus juste de pénaliser les automobilistes dans les bouchons en diminuant la largeur de leurs voies de circulation, au lieu de les élargir pour fluidifier la circulation ?

Le tramway pousse le raisonnement un cran plus loin. Il prend un espace énorme, devenu inaccessible à tout véhicule « libre ». Le trafic et le débit réel sur ces surfaces sont dérisoires face aux mêmes voies rendues aux quatre roues. Et il a un social défaut majeur : il mobilise d’importants investissements aux nuisances énormes. Investissements qui n’en sont pas puisqu’ils ne sont jamais rentabilisés, reposant sur le seul arbitraire du monde politique et non sur la décision du marché.

La pollution ? C’est une vraie question. Mais en quoi bouter la voiture hors de la ville serait la seule bonne réponse ? En quoi les transports en commun seraient-ils l’unique solution à la pollution ? Tous les experts s’entendent-ils sur ce point ? Serait-ce à eux de décider de ce que notre vie et notre ville doivent être et devenir ? En aucun cas, la décision nous revient. D’autant que le marché automobile offre des véhicules toujours moins polluants et que les véhicules à zéro rejet polluant arrivent.

Entre le confort et la souplesse apportées par la voiture et la réduction supposée – mais incertaine – de la pollution en faveur des bus et trams, l’arbitrage est complexe. Et justement parce qu’il est complexe, ce n’est certainement pas à une bureaucratie, fut-elle dirigée par des élus, d’arbitrer. Son rôle au sein de la démocratie se limite à organiser l’arbitrage par le peuple. Le comprennent-ils ?

Pour un arbitrage efficace et continu sur de telles questions par le peuple, il existe un mécanisme très pertinent, que n’aime pas l’élu : le confier au marché, seul capable de trouver le meilleur coût pour le citoyen, puisqu’il est libre de payer ou de choisir autre chose. S’il existe un avenir compétitif pour le tram ou les bus, le marché saura y répondre. Or aujourd’hui, les citoyens n’ont pas d’autre choix que de se faire polluer leur budget « privé » par des coûts d’investissement et de fonctionnement « publics », loin d’être anecdotiques. Et sans parler de la pertinence des trajets.

Dans la France d’aujourd’hui, osons dire que la meilleure manière de résoudre le conflit entre bouchons et pollution est de laisser les gens choisir, comme en toute chose. Car qui mieux que soi sait ce qui lui est le plus insupportable et ce qu’il est en mesure de payer pour ses déplacements ?

Tuesday, January 9, 2018

Sivens : Où est « l’état de droit » ?

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)

Au-delà de la mort d’une personne et de son exploitation insupportable par les deux camps dans la violence et la radicalisation, l’affaire du réservoir de Sivens (81) est l’occasion de s’interroger de nouveau sur le fonctionnement des institutions françaises. Lors du débat dans l’apéro politique de votre journal préféré avec un militant du PRG (Parti Radical de Gauche) au sujet de ce réservoir, est apparue la question du respect des règles dans un « état de droit ». Notion si mal comprise.

Concernant Sivens, où sont les règles ? Si l’état suivait des règles de droit claires, comment ce barrage pourrait-il être remis en cause par les politiques eux-mêmes ? Doit-on s’appuyer sur ce que le système politique du département a décidé ? Ou doit-on s’appuyer sur ce que la justice a décidé ? Ou doit-on plutôt suivre ce que les experts, en désaccord entre eux, ont écrit ? Sinon, doit-on suivre les groupes extrémistes ? (Des groupes guère plus extrémistes que les politiques abusant de leur pouvoir avec l’argent du citoyen.) Ou plutôt les propriétaires ? Qui est ce « on », en fait ?

La vraie question : sommes-nous encore dans un état de droit ? Si l’état français respectait les règles du droit naturel au lieu de bâtir un droit positif arbitraire, impénétrable même pour sa justice, nous n’aurions pas ce débat. Mais l’homme politique joue à l’entrepreneur sans les risques, prétendant développer une politique économique, là où en fait, il distribue des faveurs gratuites à des lobbies avec l’argent des autres. Ce réservoir d’eau est-il utile ? Peut-être, mais alors que ceux qui le pensent n’exploitent pas le pouvoir de l’état pour exproprier, mal indemniser les terrains et faire construire le barrage avec l’argent du contribuable. Qu’ils y investissent leur capital propre et assument le risque.

Aucun doute, c’est à ceux qui voient une utilité dans ce projet de s’y lancer et de l’amortir avec la vente de leur production. Voilà ce que serait le vrai droit et le vrai courage, l’honnêteté. Ils ne sont pas propriétaires des terrains ? Qu’ils créent une société commerciale et réussissent à convaincre du succès de leur projet. S’il est si utile, il devrait être aisé d’acheter les terrains nécessaires au projet.

Il y a des opposants au projet ? Soit. Mais vouloir convaincre de l’inutilité du projet n’autorise pas à sortir du droit. Par exemple, s’ils veulent protéger la nature, qu’ils achètent les terrains pour en devenir les légitimes propriétaires, ils auront alors le droit pour eux. Ils sont anticapitalistes ? Soit. Mais qu’ils ne réalisent pas que tout homme est capitaliste ne leur donne pas pour autant droit au recours à la violence. S’ils sèment la violence, qu’ils ne s’étonnent pas de la subir en retour.

L’état français ne respecte pas la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Quand on sort de la neutralité politique pour empiéter sur la propriété privée au nom de causes forcément partiales, on quitte l’état de droit dont on se targue et dont on a pourtant la charge. L’état via ses politiciens ne peut que récolter la violence qu’il crée par ses actes arbitraires. L’état de droit n’est pas, en ce pays.

Monday, January 8, 2018

Prime à la crasse économique

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)

Suite à la prime à la casse sous le régime sarkozien, nous constatons aujourd’hui les fruits de l’interventionnisme politique là où les entreprises auraient dû s’adapter au marché : PSA suffoque et Renault produit un encéphalogramme économique plat. Nos illusionnistes gouvernementaux ressortent alors les bonnes vieilles recettes du chapeau avec un projet de prime au vieux tacot diesel. L’idée peut paraitre rien moins que géniale, puisqu’elle touche à la fois l’économie, l’industrie et l’écologie. D’une seule mesure, on imagine relancer l’industrie automobile, réduire la pollution et redorer une réputation d’un gouvernement un peu contestée – doux euphémisme et doux rêve !

Sauf que nous avons, une fois de plus, affaire à un tour de prestidigitation qui coûtera plus aux français qu’il ne pourra jamais leur rapporter, comme toute mesure étatique. Le principe de ce type de mesure, même s’il peut connaître des nuances secondaires, reste toujours le même. De nouveaux standards, nonobstant les contrôles techniques, présentent les véhicules comme dangereux ou polluants, alors que la veille même aucun d’eux n’était illégal, ni dangereux, ni montré du doigt. Puis un large battage médiatique est organisé, pour que cela soit bien su par tous, afin qu’on voie bien à quel point le pouvoir agit pour notre bien. Voir c’est important pour « savoir ». Alors qu’en fait, cela concerne, tout au mieux quelques milliers de voitures banales, comparé aux millions en circulation.

Très vite on accorde un budget arbitraire et contributeur à la dette pour la reprise de ces véhicules, budget qui donc sera distribué aux propriétaires de voitures « malsaines ». Eh oui, l’Etat finance les propriétaires des voitures « coupables de pollution ». Mais si c’est donc si mal de conduire de telles voitures, pourquoi ne pas simplement sanctionner au lieu de récompenser ? Ce serait au moins en cohérence avec la logique du droit : la Loi interdit les seules actions nuisibles à autrui. Les pollueurs devraient donc être les payeurs. Mais l’Etat a depuis longtemps sombré dans le mercantilisme.

Car c’est bien de récompense qu’il s’agit. Cet argent leur sera donné pour acheter une voiture neuve, ce qui correspond à une subvention discrétionnaire à l’achat. Ces sommes amputent par l’impôt le pouvoir d’achat des autres citoyens, peut-être automobilistes, qui subissent une double peine : ils ont une voiture « saine », eux, qu’ils ont payée sans aide, et sont punis par un impôt !

La stimulation du marché ainsi artificiellement créée va en effet pousser des opportunistes circulant en « poubelles illégales » à acheter du neuf avec l’argent des autres. PSA et Renault arrondiront ainsi leurs maigres chiffres et feront illusion. Mais pendant combien de temps ? Comme constaté sur toutes les mesures de ce type, une fois passé l’effet d’aubaine, le soufflé retombe. On aura sûrement eu quelques centaines de carrioles détruites – pardon, « renouvelées » – mais les constructeurs seront ramenés à la réalité du marché. Et un délai trop court ne leur aura pas permis de s’adapter.

Du point de vue économique, ce genre de manipulation clientéliste est en réalité une corruption, un scandale moral et une aberration industrielle. Il s’agit à la fois d’un impôt redistributif arbitraire et d’une subvention sauvage à une industrie pourtant très internationalisée qui n’a pas de raison d’obtenir un tel privilège en France. Comme pour tant de sujets, l’intervention de l’état dans la libre activité économique montre ses perversités. Si le marché de l’automobile souffre, et plutôt que de s’obstiner à entretenir un moribond aux frais du contribuable, laissons s’établir les conditions de l’émergence d’industries nouvelles de remplacement. Car, quoique puissent en dire nos étatistes, c’est toujours le libre-échange et le laissez-faire qui ont le mieux profité au plus grand nombre.

Thursday, December 28, 2017

Les bouchons toulousains

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)

Lyon est célèbre pour ses bouchons lyonnais, Toulouse sera-t-elle bientôt aussi célèbre que Paris pour ses interminables bouchons quotidiens ? Combien de personnes ne font désormais que du 10h – 16h au bureau pour éviter autant que possible de rester plus d’une heure trente sur la rocade ? La capacité de la rocade et des infrastructures ne suit pas celle de la démographie, et ce n’est pas en augmentant la place prise par les transports en commun que la fluidité du trafic pourra s’accroître.

Le dogme écolo-socialiste prétend qu’il y aurait trop d’automobilistes et que pour « sauver la planète », il faut les bouter hors de la ville. Les bouchons le démontrent, de nombreux Toulousains ne veut pas utiliser les transports en commun, cela pour bien des raisons (temps de trajet, flexibilité des horaires, couverture du réseau, etc.), et qu’ils préfèrent encore les bouchons au bus et au métro.

Si nos élus avaient à cœur le bien commun comme ils l’affichent, ils mettraient leurs dogmes de côté et chercheraient réellement à résorber ce problème social qui fait perde 2 ou 3 heures à des milliers de « travailleurs » chaque jour. Car les solutions existent, elles sont connues et faciles à mettre œuvre – mais supposent une démarche philosophique radicalement différente : privatiser la rocade.

Imaginez une rocade payante. « Quoi !? Horreur capitaliste ! Vade retro Satanas ! On va encore privilégier les riches au détriment des pauvres ! » Mais qui parle de riches ? Attendez donc un peu…

Payer l’accès à la rocade permettrait d’abord d’inciter certains automobilistes à suivre un autre trajet. Riche ou pauvre, on ne sait pas, ce sera à eux de décider – d’ailleurs, le vrai riche prend l’hélicoptère, pas la rocade, c’est donc un faux problème. Surtout, le prix pourra changer en fonction des bouchons – c’est tout l’intérêt. Cher, voire très cher en heures de pointe, justement pour faire fuir le conducteur occasionnel et ainsi réduire l’afflux de véhicules. Gratuit ou quasi gratuit la nuit ou les week-ends. Rien que ce mécanisme est une assurance presque certaine d’absence de bouchon.

« Mais il faut bien que ces voitures passent par ailleurs, donc on ne fait que déplacer le problème », dira le socialiste qui n’a pas bien pris la mesure du sujet. Si la rocade fait ainsi du profit, et si le trafic potentiel reste fort, eh bien l’entreprise qui la gère trouvera des solutions. Et elle aura les moyens et les incitations pour le faire. Par exemple, pourquoi pas une seconde rocade construite au-dessus de la première, avec moins de sorties et uniquement destinée au trafic de ceux qui traversent Toulouse, tels les poids lourds, et sans limite de vitesse ? Deux fois plus de place, deux tarifs, double capacité, et du trafic en moins au milieu du trafic local. Plus de bouchon, sans réel inconvénient.

Peu à peu, on verra des formules d’abonnement et même les grandes entreprises locales négocier des tarifs ou conditions pour leurs salariés. Et donc peu à peu, la rocade sera en partie financée par l’économie locale sur une base volontaire et en rapport direct avec l’intérêt économique – et non pas en fonction de cette dichotomie riche – pauvre qui ne veut rien dire et n’est pas liée au sujet.

Le financement ? Comme tout projet capitaliste : des fonds propres, des emprunts, des prévisions de chiffre d’affaire, voire même une souscription auprès des futurs usagers de cette nouvelle rocade. Et si cela marche, les entreprises elles-aussi prendront des participations. On peut même imaginer qu’Airbus passera commande pour ajouter une voie à la rocade réservée à ses employés. Ou tout autre possibilité, sans limite d’imagination. Et surtout sans aucun endettement public. Libres.

Tuesday, December 5, 2017

Immobilier : une bonne remise à Duflot !

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici quelques années après, car il garde je crois son intérêt socio-politico-économique.)

Vous venez d’hériter d’un capital, disons 300 000 euros (ahhh, les comptes en Suisse…). Comment placer cet argent ? L’immobilier peut sembler une bonne idée et ce d’autant que le gouvernement promet de réduire vos impôts de 18% du montant de l’investissement sur 9 ans. Ça tombe bien, 300 000 euros, c’est le maximum autorisé pour en bénéficier. Parce il y a de telles autorisations…

Génial. Vous allez bénéficier d’une réduction de 54 000 € soit 6 000 € /an ! Mais premier hic : si vous ne payez pas autant d’impôt, cet avantage fiscal n’est évidemment pas si net pour vous. Tant pis si vous n’êtes pas riche : la réduction fiscale, c’est un privilège destiné aux riches. Un riche à plus de 6 000 € d’impôts par an ne payera ainsi son investissement que 246 000 €, alors que le « pauvre » chanceux devra, lui, le payer plein pot : 300 000 € ! Les privilèges du fait du roi n’ont pas été abolis !

Continuons avec les riches, puisque les oligarques en décident ainsi. L’investissement s’accompagne de conditions. Le logement doit être « BBC ». Ne vous inquiétez pas, pas besoin de vous mettre à la télé anglaise. Non, il s’agit d’un « label » énergétique où pour économiser un peu d’énergie, on paie l’isolation au prix fort. Une manière comme une autre pour notre état glouton de récupérer bien vite l’économie fiscale qui vous avait été proposée : n’oublions pas qu’il engloutit aujourd’hui pas moins de 57% du PIB en impôts et taxes. Pour 100 euros produits, hors fraude dite « fiscale », 57 reviennent à l’état ! Il faut bien aller les chercher partout. Quant à l’économie d’énergie, ce n’est pas vous qui en profiterez, ni un membre de votre famille (le dispositif vous l’interdit), mais votre locataire inconnu.

A ce stade, restons avec les riches qui aiment le risque. En effet, inutile d’obtenir des garanties de votre locataire, demandez-lui juste s’il aura un jour l’intention – consciente ou pas – de ne plus payer le loyer en raison de la faiblesse de ses ressources. S’il vous répond positivement, acceptez-le : la condition de location est réservée aux seuls locataires avec des ressources plafonnées. Mince.

Et pour finir, constatons que ce dispositif concerne les seuls riches parfaitement altruistes, ceux qui ne s’intéressent pas au prix du marché et aiment jeter l’argent par les fenêtres. En effet, ne cherchez pas à calculer la rentabilité de votre investissement, vu que le loyer est plafonné à 20% en dessous du marché ! Bon ça y est, vous êtes dans cette catégorie concernée par cet article 199 Novovicies du CGI (Si, si, c’est le bon numéro !) pour profiter de cette « réduction linéaire et égale » ! Je vous devine bien moqueurs, ou tristes, en lisant ce dernier terme. La bonne affaire que vous avez faite là !

Car la mise en location d’un appartement ainsi acquis engendre sa perte immédiate de valeur, de l’ordre de 20%, due à la perte de disponibilité et au risque de maintien dans le lieu d’un locataire défaillant. Votre capital initial de 300 000 euros est réduit de 60 000 euros, ce qui est plus que l’avantage escompté sur 9 ans. Avec l’inflation, votre perte est donc immédiate, puisque hélas l’argent actuel vaut plus que l’argent futur. Sans oublier la bulle immobilière qui éclatera bientôt.

Ce n’est pas tout. La valeur du capital restant dépend de son rendement. Avec une réduction du loyer de 20%, vous dévaluez la valeur initiale du capital du même pourcentage. Votre capital est donc réduit à 192 000 euros (80% de 240 000). L’épargnant tenté par ce dispositif perd immédiatement 36% du capital, soit 108 000 euros, le double de l’avantage fiscal. En cas de revente, ayez bien du courage pour retrouver le capital initial vues l’imposition sur les plus-values et la CSG associée.

Ça y est, les rentiers sont soumis au même régime que les entrepreneurs : la destruction de leur capital. Marx triomphe. Nous sommes bien en république française populaire socialiste ! Comment disait-il déjà ? Ah oui : « Fuyez, pauvres fous ! »

Saturday, November 18, 2017

Et si… l’Agenda 21 était une fumisterie de plus ?

(Article originalement publié pour le Journal Toulousain dans la Chronique de Patrick Aubin. Republié ici car quelques cinq ans après, car il garde toute son actualité économico-politique.)

Un échange avec un de mes amis habitant de l’autre côté de Toulouse sur ce que les textes appellent le « Programmes Agenda 21 » nous amène à partager le constat suivant : autre commune, autre intercommunalité, mêmes divagations. Notre expérience de ces divagations aboutissant à des projets et budgets pharaoniques m’a semblé mériter une chronique, dans la mesure où toutes nos communes hélas – les vôtres aussi – subissent l’épée de Damoclès de ces dépenses fantaisistes.

Issu de la Conférence de Rio de 1992 et appuyé par le Grelin-grelin de l’Environnement, l’Agenda 21 se veut reprendre les « meilleures pratiques » du développement durable pour promettre aux communes un avenir radieux. Chaque municipalité y confirme sa logique interventionniste pour « lutter contre la pauvreté, arrêter la pollution de l’air, préserver la biodiversité, promouvoir la santé, le logement, l’éducation et plus globalement une démarche démocratique ». Et pour effacer ces inquiétudes majeures, il est bon de lever des impôts et préparer une belle ardoise pour demain.

Chaque commune y va de son « diagnostic ». Oubliant au passage qu’elles ont survécu à ce jour à quelques milliers d’années d’histoire pas toujours des plus éco ni logique, leur programme pose une bonne trentaine d’actions hétéroclites s’appuyant sur 3 ou 4 axes. On se limitera ici à examiner les 3 axes de la commune de mon ami, car ils suffisent à illustrer le ridicule danger de cet exercice.

Axe 1 : « Organiser, développer et structurer durablement le territoire » : En quoi est-il légitime ou nécessaire de poser un tel principe pour acquis ? S’il est évident que le territoire nous concerne tous, surtout dans une commune, il reste que la grande majorité dudit territoire est dans le domaine privé. Ce n’est donc pas à une oligarchie d’y faire la loi par-dessus la tête des propriétaires. Le durable ne se conçoit que si le droit de propriété est garanti. Il peut se concevoir tout à fait qu’il y ait un besoin de mieux aménager, mais l’Agenda 21 ne doit pas être un prétexte à expropriation. Ni à multiplier les dépenses publiques et leur cortège d’impôts, forme trop méconnue d’expropriation.

Axe 2 : « Favoriser et susciter la participation de tous » : Soyons direct : en quoi « la participation de tous » (pas celle de chacun ? à quoi ?) serait liée au développement durable ? La liste d’actions est un gigantesque fourre-tout clientéliste. Les uns et les autres y vont de leur interprétation de ce qui est « durable », terme mal défini. Durable, vous avez dit durable ? C’est en réalité très simple, mais personne ne vous le dira : est durable ce qui découle de la décision privée responsable pleinement assumée. On en revient à garantir la propriété privée, car c’est à son niveau que sont les décisions.

Axe 3 : « Accroître la solidarité et renforcer le lien social » : Voyage au cœur du grand n’importe quoi, rhétorique des illusionnistes. Solidarité et lien social sont des termes déformés et vidés de leur sens originel. Quel rapport, même ténu, avec le développement durable, s’il vous plaît ? Comme si celui-ci pouvait se faire hors de la société, hors des « liens sociaux » et sans aucune forme de solidarité, alors qu’il en est l’expression. L’hypocrisie consiste ici à cacher que la bureaucratie a besoin de la manne financière des citoyens pour continuer à se prétendre utile. Le développement suppose l’échange et la relation sociale constante. Il suppose la solidarité par l’échange. Si un produit ou service est bon, je lui ferai l’honneur de mon achat avec en retour la joie de sa qualité et de sa pertinence. La vraie solidarité naît spontanément de l’échange libre, pas de la volonté politique arbitraire et creuse.