La Catalogne fait toutes les unes ces derniers jours. Il faut dire que depuis 18 mois, on avait cru que la vague de soubresauts post-Brexit était terminée et que tout en Europe était gentiment revenu à la normale, c’est-à-dire de retour sur le long chemin de la prise du pouvoir par les ‘hauts technocrates’.
Mais voilà que quelques gauchistes catalans en mal de bruit et de célébrité fugace viennent remettre le couvert en déclarant l’indépendance d’une région à forte identité et à langue spécifique, qui n’a cessé de pousser plus ou moins fort et régulièrement à la porte de la sortie depuis des décennies.
Et le fait que cet événement suit un scénario rocambolesque a abouti à montrer les nombreuses facettes de la non-liberté en Europe et des nombreuses réactions de courte vue, alors que sur le fond, il ne fait pas de doute que nous sommes témoin d’un retournement très positif à terme.
Bien sûr, les étatistes et les européistes ne l’entendent pas ainsi. Pour eux, il ne faut absolument pas créer de précédent et donner des idées à d’autres régions qui, nombreuses, pensent à prendre leur autonomie. Ce serait, selon eux, mettre le projet d’une union européenne en danger, ce serait le risque d’un éclatement, alors même qu’on commençait à oublier le Brexit, l’Ecosse, l’Italie, d’autres.
Alors on a droit à tous les arguments étatistes pour critiquer ce mouvement. Tout d’abord, cela a été parce que c’était entre les mains ou à l’initiative de l’extrême gauche. Il est évident que je ne saurais me réjouir de voir la gauche gagner du terrain quelque part, mais ce n’est pas vraiment la question il me semble. Si la Catalogne devait vivre sa vie et la commencer à gauche, on peut présager que les ressources de ces vautours seraient vite bien moins riches qu’au sein de l’Espagne et de l’Europe, du fait des jeux de subventions par exemple. Mais pas seulement, puisque déjà plusieurs centaines d’entreprises ont décidé de prendre la fuite, à tort ou à raison. Mince, moins d’impôts à voler. Plus généralement, la question n’est pas celle du régime, mais de la réduction de la portée des états.
Ces entreprises qui s’envolent, c’est l’autre argument massue, celui de la crise économique. Il ne faudrait pas d’indépendance, parce que cela conduirait aussitôt à la crise économique du pays. Un argument très bizarre, puisqu’il veut dire que tout d’un coup, juste comme ça, l’ensemble de la population cesserait de travailler, vendre, agir, vaquer, parce qu’indépendante. Bizarre, non ? En réalité bien sûr, l’argument cache la menace de perte de toute une masse de subventions et autres flux financiers artificiels qui viendraient avec un état supérieur, mais qui en réalité sont pris sur la bête. On touche là à des arguments du même ordre que ceux contre le Brexit, avec autant de biais.
Certains m’ont avancé que l’indépendance est impossible car cela couperait trop de familles en deux. De nombreux catalans vivant à Madrid et d’ex-madrilènes à Barcelone, par exemple, une nouvelle frontière aurait selon eux le même effet qu’un nouveau mur de Berlin. C’est supposer que ces deux états seraient assez stupides pour fermer les frontières, ou pour contraindre brusquement les « étrangers » de chaque côté à rentrer chez « eux » - ce qui est possible, mais improbable. C’est tout aussi sot d’ailleurs que de poser comme positif a priori que tout mélange de population de facto est forcément une bonne chose qui ne doit être remise en cause sous aucun prétexte de liberté.
D’autres sont légalistes et ne jurent que par le respect aveugle des textes et autres constitutions. Ainsi, parce il y aurait un article 155 ou que sais-je qui stipule l’illégalité d’un referendum, cela serait sacré, fondé, indiscutable et rendrait impossible l’application du bon sens envers la valeur démocratique de tout referendum – digne de ce nom – quel qu’il soit ? Il est selon moi hallucinant que de prétendus défenseurs de la liberté se réfugient derrière des textes même face à des situations où la liberté de tout ou partie de la population est en jeux. Il n’est pas normal, pas moral ni légitime de mettre des critères comme le maintien de l’union plus haut que la demande de liberté.
Les mêmes souvent avaient bien moins de scrupules envers la constitution ou le régime quand il s’est agi il y a quelques années de soutenir l’indépendance du Tibet. Je suis sûr qu’on m’opposera que le Tibet n’est pas comparable car il s’agissait de fuir un méchant état communiste, alors que le Royaume d’Espagne est bien plus libéral. Faux problème. Il s’agit des peuples, des gens, pas des régimes. Le Tibet devait libérer les tibétains, en Catalogne il est normal que les catalans puissent décider chez eux, c’est aussi simple que cela. Car l’avenir est au choix, au choix des états.
La liberté ne provient pas d’une constitution x ou y, elle vient de la possibilité pour les citoyens de choisir librement leur « état ». Et plus les états sont petits, plus il y a d’états, plus ils se trouvent en concurrence parce qu’il est plus facile d’en changer et parce qu’ils sont moins puissants. Ainsi, même si ce n’est pas une garantie systématique à court terme, à long terme par contre le démantèlement des états historiques en petits pays locaux est un facteur majeur de libéralisation du monde. Alors pourquoi chercher les poux sur des détails quand la Catalogne ouvre la voie vers la liberté, demain ?
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