La vie à Paris est fascinante, surtout en temps de grèves, c’est-à-dire
souvent. Ainsi, on croise dans le RER des « jeunes » pourtant
officiellement adultes qui arborent fièrement quelques pancartes de carton improvisées
tels des trophées, sur lesquelles on peut lire : « Pour une
république sociale ! »
Ma première réaction fut de leur demander ce que pouvait
vouloir dire une république « asociale » ou « non-sociale »,
vu que la république décrit une société et que toute société est… sociale. Je
vous passe les noms d’oiseaux comme j’ai passé mon chemin. Donnez l’impression que
vous critiquez la demande du peuple pour du « social » et vous voilà
banni hors du champ de la liberté d’expression.
Une république sociale, une « chose publique »
sociale, ce doit être je suppose une société où la seule préoccupation consiste
à aider son prochain ? A moins que ce soit le contraire ? Mais pour
aider son prochain, de quoi part-on ? De ce qu’on a gagné, ou de ce que la
république nous donne ?
Bref, j’arrête là la caricature. En réalité, je me suis peu
après rendu compte que ce qui me gênait le plus dans ce slogan, ce n’était pas tant
le « social » que le « pour » (même s’il change de « contre »).
Car en effet, être « pour » ceci ou « pour »
cela et le revendiquer, ce n’est rien d’autre qu’exiger, du moins attendre d’autrui
quelque action qui ne serait pas naturellement adoptée. Dit autrement, être
pour la « république sociale », quoi que cela puisse être, c’est
attendre des autres qu’ils l’adoptent, qu’ils en conviennent, voire qu’ils s’y
conforment, quand la chose ne leur serait sinon pas spontanée.
Ce n’est donc ni plus ni moins que chercher à imposer un
choix de fonctionnement social à autrui, ou dit autrement, attendre de ce cher
état qu’il impose à autrui des choix essentiellement impopulaires.
Il y a donc chez ces jeunes une triple incompréhension du
fonctionnement social – à ce point, en 2016, c’est affligeant : a) on ne
se met pas en position d’imposer ses vues à autrui, on explique, on négocie ;
b) une république est toujours sociale, pourvu que chacun commence par y
prendre sa place en respectant celle des autres ; et c) si la société
actuelle ne leur prépare pas l’avenir le plus radieux, la solutions n’est pas
au bout d’une pancarte mais plutôt sur la page d’un curriculum vitae.
En fait oui, je suis pour une république sociale moi aussi. Sociale
au point qu’il ne servirait à rien de défiler dans la rue. Car de toute façon,
il n’y aurait personne pour se pencher sur tous nos caprices.
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