Dans un billet récent paru sur le Cercle, Janine Piguet nous
propose une devise alléchante, du moins apaisante : « Que tout le monde soit occupé à réaliser son
rêve et plus tolérants avec celui des autres ». Cela semble très
proche de la devise libérale, « Vivre
et laissez vivre », et en même temps très à la mode avec cet appel à
la tolérance qui fait bien dans les salons bien-pensants un peu bobos.
Si cette devise est belle, bien sûr, parce qu’elle promeut
le rêve de chacun, qu’elle respire un esprit de liberté, et qu’elle embellie l’initiative
et la paix, elle se trompe sur la tolérance, posée en exigence.
C’est hélas très classique, la tolérance est une grande
source de malentendus, d’ambigüités au sein des libéraux. Le raisonnement de
beaucoup tient à peu près à considérer que l’exigence libérale du respect du
droit d’autrui, condition du respect par autrui du droit de chacun, implique la
tolérance envers la diversité d’autrui. Pour être libre d’être qui je suis, je
me dois de reconnaître l’autre pour ce qu’il est, dans son infinie diversité. C’est
l’idée de base, je crois, en vogue chez les libéraux de gauche.
Mais c’est une erreur de raisonnement, ou une erreur de
compréhension de ce qui fonde la liberté et donc le libéralisme. Relisons le
paragraphe précédent : on parle du respect, certes, mais pas du respect de
l’individu dans sa globalité et sa diversité ; on parle du respect de son
droit, et de celui d’autrui, par symétrie. La liberté ne repose pas sur le
respect d’autrui, mais sur le respect du droit.
C’est assez logique quand on y pense : on ne peut
imposer de respecter l’autre quoi qu’il advienne. Par contre, exiger au sein d’une
société humaine de respecter le droit est une chose bien plus simple et en
réalité bien plus puissante – puisqu’elle suffit à organiser l’ensemble de la
vie en société.
Respect le droit d’autrui, c’est respecter sa propriété
pleine et entière. De son corps, de ses biens, de sa maison, notamment. Un
libéral accepte donc que l’autre ait le droit de faire ce qu’il veut chez lui,
qu’il ait le droit d’être comme il l’entend chez lui. On peut qualifier cela d’une
forme de tolérance.
Mais là s’arrête ladite tolérance obligatoire, ou même
naturelle. Car ma liberté consiste aussi à avoir le droit de ne pas tolérer
autrui chez moi. Ma liberté consiste aussi à discriminer en fonction de mes
critères propres, tant que je reconnais à ceux que je ne veux fréquenter ce
même droit envers moi.
La tolérance libérale se limite donc à reconnaître autrui, elle
n’impose pas de tolérer sa personnalité.
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