Au journal ce matin, un rappel d’un accident trop ordinaire :
« Il est une heure du matin cette
nuit-là, deux voitures se télescopent à ce carrefour. L'une d'elles vient de
griller le feu rouge. Sous la violence du choc, l'autre véhicule vient heurter [Anne
laure et Julie] qui s'apprêtent à traverser la rue. Le conducteur de la Clio est toujours recherché pour homicide
involontaire. »
Les journalistes parlent de « délinquant routier » et relaient un appel à la plus grande
sévérité et aux « circonstances aggravantes »
(du fait d’une alcoolémie probable) de la justice face à cette horreur.
Malgré
la tristesse, il ne faut pas rester au niveau de l’émotion sur un tel exemple
et profiter de notre recul pour illustrer combien le système judiciaire de ce
pays est vide de sens et tourné vers la vaine punition des contrevenants plus
que vers la véritable justice entre des citoyens responsables.
Prenons tout d’abord le concept de « délinquant routier ». Est-ce que le
fait d’être « routier »
change fondamentalement la nature du meurtre perpétré et les conséquences pour
la ou les victimes ? C’est peu probable. Ce qui est important, c’est le
meurtre, quelle qu’en soit l’arme, voiture, pistolet ou que sais-je. Ce que les
proches de ces victimes attendent, c’est une « réparation », même si
dans le cas présent, il est difficile d’en exprimer la teneur : on ne peut
rendre ces victimes à la vie. Mais on peut tenter de compenser par exemple en
condamnant le chauffard à une dette à vie envers les proches.
Second concept bizarre, les « circonstances aggravantes ». Alors comme ça, tuer deux
personnes et prendre la fuite, c’est plus grave quand on est soûl que sobre ?
Et en quoi cela change-t-il quoi que ce soit pour les victimes et ceux qui
restent ? D’ailleurs, on pourrait défendre qu’au moins l’ivrogne a l’excuse
de l’inconscience alors que le sobre agit en pleine conscience, ce qui devrait
donc être une raison pour dans le cas présent plutôt amoindrir la faute de ce
chauffard au lieu de l’accroître. On voit ainsi la vacuité du concept, qui
tente d’introduire une dimension moralisatrice à une justice qui devrait au
contraire se borner à juger sur les conséquences des actes et non sur leurs
motivations.
Une justice juste ne chercherait pas à punir les vilains qui
sortent de la morale sans aucunement chercher à donner réparation. Une justice
juste ne juge pas le pourquoi, mais le quoi et le combien. Une justice juste s’attache
à qualifier un meurtrier de meurtrier et non pas de délinquant et ne fait pas
de différence entre les versions routière ou terroriste. Une justice juste s’attache
à trouver la plus juste réparation des victimes, même en cas de décès, car c’est
encore le meilleur moyen demain de dissuader les potentiels assassin de passer
à l’acte. Réparation, dissuasion, amoralité (et non immoralité), voilà les
bases d’une véritable justice, basée sur la responsabilité que permet la
liberté.
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