Je marche ce matin à Montrouge, haut lieu historique de la
gôche, et je viens à remarquer un graffiti nous appelant « tous contre l’utopie libérale ».
Bigre. Ainsi le libéralisme serait une utopie et on ne m’aurait rien dit ?
Tout ce temps passé à lutter pour la liberté serait vain, nul et non avenu
Une utopie se reconnait dans une vision du monde ou une théorie
sociale ou économique qui ne repose en rien sur la réalité des choses de ce
monde, ou qui exprime des principes ou convictions qu’une confrontation à la
logique ou au bon sens a tôt fait de remettre à leur juste place.
Un des arguments majeurs du libéralisme envers les
idéologies concurrentes et étatistes en général tient justement à établir qu’il
s’agit systématiquement d’utopies au sens précédent. Ainsi, les idées de gôche
et étatistes posent le plus souvent une forme ou une autre de collectivité
comme réalité sociale, là où il est en fait impossible de concevoir une
collectivité capable de se substituer à l’individu ou les individus qui
agissent sous ce voile, pour prendre un des faux concept de Rawls.
Les libéraux sont donc très attachés au principe de réalité
qui veut qu’au contraire des utopies, l’individualisme méthodologique qui est à
la base de la théorie libérale garantit son ancrage au plus près de notre
monde. La théorie économique autrichienne, par exemple, étant axiomatique dans
ses fondements, ne peut être remise en cause sans tomber dans une vision
artificielle de celui-ci.
Bien sûr, je doute fort que ceux qui ont créé ce graffiti avaient
la moindre idée de ces notions. Pourtant, le message m’a alerté et a interpelé
certaines de mes certitudes – non, je ne parle pas de convictions en matière de
libéralisme, car il n’y a pas de doute quant à la justesse de ses théories.
Et de m’interroger sur une possible utopie du non-pouvoir.
On le sait, c’est un sujet largement couvert par des B.de Jouvenel ou C.Michel,
au-delà de la disparition de la coercition étatique, ce qui caractérise la
société libérale à venir est in fine la
disparition du pouvoir politique – donc coercitif. Le principe de la société
privée et libre tient dans le remplacement du pouvoir politique par le marché.
Mais on pourrait se demander si, comme la gôche imagine
remplacer l’homme par un surhomme parfait qui serait libéré de l’égoïsme et de
l’avidité, les libéraux ne tomberaient pas dans l’utopie d’un homme libéré de
toute aspiration au pouvoir, question dont je ne nierais pas la pertinence. Mais
ce serait ne pas comprendre que le pouvoir « libéral » ne fait que
changer de forme : il quitte l’homme politique plus ou moins providentiel
pour se fondre à la foule des hommes-libres-consommateurs.