Tuesday, May 20, 2008

Liberté et sécurité routière

Comme premier sujet, je voudrais oser attaquer de front un des tabous de la sécurité routière depuis plus de trente ans, à savoir la limitation de vitesse. Vous aussi ça vous agace, n'est-ce pas ?

Panorama
Sous prétexte de sécurité ou de pollution, voire de civilité, on nous oblige à conduire à une certaine vitesse, sans prendre en compte notre expérience de conducteur, la sécurité de notre véhicule, le trafic, la météo, la qualité de la route ni l'évolution de tout ceci au cours du temps, ni bien sûr notre capacité individuelle à apprécier les situations. Bref, pas de place au libre arbitre ni à la responsabilité personnelle, ce que le libéral que je suis ne supporte guère. De plus, tout ceci est supposé être pour notre bien ou le bien collectif, ce qui est loin d'être aussi évident.

Mais prenons les points les uns après les autres. Il y a plus de trente ans, en plein premier choc pétrolier, et alors que le réseau d'autoroutes ne fait que s'ébaucher en France, le gouvernement de VGE (de mémoire) décide des quatre célèbres limites de vitesse, à savoir 60 (passée à 50 depuis), 90, 110 et 130. Le principal argument à l'époque est celui de la limitation de la consommation d'essence/pétrole, la sécurité ne venant qu'au second plan. Celle-ci est depuis devenue l'argument majeur.

Pendant de nombreuses années, le pétrole n'a plus vraiment été un problème - baisse de la consommation des véhicules notamment - et la sécurité routière et la baisse du nombre d'accidents ont été l'argument principal. Aujourd'hui où le pétrole flambe à nouveau et où il est de bon ton de donner dans l'écologisme, cet argument reprend un peu du poil de la bête.

A noter que d'autres pays ont suivi des logiques similaires, les USA étant probablement le plus connu, mais surtout d'autres n'ont pas suivi, l'Allemagne venant immédiatement à l'esprit. J'ai vécu dans ces deux pays ainsi qu'en Afrique, ça permet de voir la réalité terrain.

Depuis les années 70, ces limites ont fait les choux gras des différents gouvernements et je préfère ne pas calculer les sommes astronomiques que ce mécanisme nous a coûté à nous contribuables et conducteurs, en amendes, signalisation et autres radars automatiques, sans parler du stress du gendarme et des campagnes de com...

Bien évidemment, je ne nierai pas le lien - qui reste ténu - qu'il a entre vitesse limitée, pollution réduite et meilleure sécurité. La véritable question est de savoir quel est la réalité de ce lien et si la perte de liberté et les taxes prélevées sont effectivement justifiées par une mesure qui serait à la hauteur de ces arguments et qui notamment serait directement la raison de la baisse du nombre d'accidents. Je pense pour ma part que nous obtiendrions de bien meilleurs résultats sans en passer par la limitation aveugle et justiciable. Mais allons plus loin.

Vitesse et Sécurité
On nous rebat les oreilles depuis maintenant des décennies du danger de la vitesse sur la route. Il est en effet réel, mais il me semble que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il est de nature différente de ce qu'on nous assène. Par exemple, qui ne s'est pas assoupi par manque de *besoin* d'attention suite au confort que les 130km/h nous impose, et par contre a gardé toute sa vigilance en roulant à 160 ou plus ? Ou encore, combien de routes en lacets sont limitées à 90 et pourtant vous n'avez jamais réussi à y rouler à cette vitesse ? :-)

Premier thème, la vitesse est cause de mortalité. C'est vrai et c'est faux bien sûr. Une vitesse excessive peut conduire à sortir de la route et souvent vient aggraver les conséquences d'un accident. Mais c'est tout. L'enjeu, c'est clairement avant tout d'éviter les accidents et ceux-ci sont le plus souvent dus à d'autres facteurs. L'alcool, l'inattention, une prise de risque excessive et des manœuvres inconsidérées sont des évidences. Mais où est le danger de rouler à 200 sur autoroute par beau temps avec une voiture entretenue et sans trafic ou encore à 120 sur nationale selon les mêmes conditions ?

Second thème à la mode, la vitesse augmente les distances de freinage ou l'écrasement. Vrai et faux encore. La réalité, c'est que les distances de freinage ne sont pas des constantes, même si elles augmentent avec la vitesse, elles sont surtout fonction du poids du véhicule et de la puissance de ses freins. Ce qui fait que des messages du genre "il faut 27 mètres pour s'arrêter à 50 Km/h" sont une totale ineptie.

Dans le même ordre d'idées - quoique pas directement lié à la vitesse - il y a la distance entre véhicules. Sur autoroutes, nous sommes supposés nous tenir à une distance du véhicule précédent suffisante pour voir au moins deux bandes blanches à droite, celles qui délimitent la bande d'arrêt d'urgence. Pourquoi 2 ? Parce que ce serait la distance minimale nécessaire pour nous arrêter en cas d'urgence. Mais cela suppose que la voiture devant nous s'arrêterait brusquement, ce qui est pratiquement impossible. Et en cas de brouillard, je doute que l'immense majorité d'entre nous n'adapte pas spontanément sa conduite.

Enfin, tout cela bien sûr fait totalement l'impasse sur l'évolution de la sécurité des véhicules sur les 30 ans passés. Même en supposant que 130 ait pu avoir un sens en 73 en termes de risques, toutes les conditions de sécurité actuelles rendent ce chiffre totalement dépassé. L'apparition de l'ABS et autres assistances au freinage sont des acquis majeurs du point de vue sécuritaire. Le réseau routier et autoroutier lui-même, avec des revêtements toujours plus performants, absorbant la pluie par exemple, a également - et heureusement - fortement évolué.

On voit bien qu'il s'agit avant tout d'une question de (dé-)responsabilité. Il y a effectivement un risque potentiel, il y a eu des accidents, alors on ne peut plus faire confiance aux conducteurs et donc tous sans exception doivent respecter bêtement des consignes sans bon sens et surtout sans nuance.

Vitesse et Pollution
L'autre prétexte, qui revient en force ces derniers temps. L'idée consiste à éviter de trop polluer par excès d'échappements à grande vitesse. Vrai et faux encore. Là encore, il est clair que rouler plus vite produit plus d'échappement, mais ce n'est pas uniforme et ce n'est pas la seule source de pollution.

Tout d'abord, la pollution n'est pas une conséquence linéaire de la vitesse. La plus grande pollution reste encore celle produite dans les bouchons, où le rapport gaz/distance parcourue est probablement le pire. Quiconque vit dans la région parisienne sait bien que ce n'est pas la vitesse qui y est cause de pollution. Ensuite, n'oublions pas que fort heureusement, la consommation moyenne d'un véhicule a été divisée par 2 ou 3 depuis les années 73, y compris aux vitesses supérieures, grâce à la généralisation progressive des turbos et à l'aérodynamisme par exemple.

Limitation vs. Recommandation
Je ne sais pas si vous avez remarqué comme moi, mais je trouve que ces dernières années la limitation de vitesse a pris une nouvelle dimension, encore plus pernicieuse et crétine, ce que j'appelle la "recommandation-dépassée". Nous avons sur Toulouse sud cette chance immense d'avoir un des échangeurs de rocade les plus complexe et mal conçu qui soit, qui est depuis des années l'un des points noirs réguliers de la ville. Or voici que la DDE (après près de 2 ans de travaux) nous ouvre l'an dernier une n-ième bretelle, courbe et en hauteur - sur une seule voie, je vous rassure.

Eh bien ils n'ont rien trouvé de mieux que de nous assigner une limitation à 50 sur cette bretelle, que personnellement je prends sans aucun effort ni stress à 90 avec un banal Scenic. Je peux comprendre et même saluer le désir des "autorités" de nous conseiller une vitesse sur une route nouvelle et sinueuse, et dans cette logique, nous recommander 50 serait une démarche respectable - quoique 50 soit vraiment très bas ici.

Mais dans ce cas, il existe des panneaux pour les vitesses recommandées, ce n'est pas la peine de nous imposer une limitation - sauf bien sûr pour espérer pouvoir notre sanctionner et nous faire payer des amendes. C'est ce que j'appelle la recommandation-dépassée. L'Etat va au-delà d'un rôle possible de conseil, il dépasse l'action de bon sens pour passer à la fois dans le répressible et dans l'absurde - avec une limitation inutile et ridiculement basse.

Les autres pays
Il y aurait long à dire ici et je me garderai de passer tous les pays en revue, mais prenons trois exemples marquants. D'abord les USA, ce pays est un emblème international des limitations de vitesse. Je dirai que la situation y est là-bas à la fois pire et meilleure qu'en France - pour info, j'y ai vécu 2 ans et ai traversé en voiture une vingtaine d'états.

Pire, parce que les limites sont partout, très basses et extrêmement contrôlées, impossible d'échapper à la police, même aux fins fonds du Dakota ! Bien sûr, chaque état a ses limites - ex. 85 en Utah mais 60 en Ohio sur autoroute - ils ne sont pas d'accord entre eux sur ce qui est dangereux ou polluant, ce qui illustre la crédibilité de ce type de mesure.

Ensuite, la voiture américaine moyenne est 2 ou 3 fois plus puissante, nerveuse et rapide qu'une voiture française. Une voiture avec un moteur de plus de 200 ch est commune là-bas. Chercher l'erreur. En Allemagne, tout le monde sait que les autoroutes ne sont par défaut et majoritairement pas limitées.

Y a-t-il plus d'accidents que chez nous pour autant ? Eh bien non. D'ailleurs, je vous invite à consulter ce site très bien documenté qui illustre que la vitesse est moins accidentogène que la "lenteur" et ceci partout en Europe.

Enfin, avez-vous déjà conduit en Egypte, ou dans un pays d'Afrique ? Là-bas les limites sont inexistantes ou superbement ignorées. Et il n'y a pas plus d'accidents. Du moins, les accidents sont avant tout dus à des comportements imprudents ou à des véhicules plus que hors d'usage. Mais la vitesse n'a que peu d'impact.