Après la revue de son « constat », voyons ce que
ce général nous propose pour soi-disant « rebâtir la France ». Mais restons un instant sur ce concept,
qui en trois mots pose deux questions essentielles : qu’est-ce que la
France et pourquoi (re)bâtir quoi que ce soit ?
La France est une illusion, la France n’existe pas. Ou
plutôt, sa seule réalité est administrative et politique, elle n’est qu’un
territoire sur lequel certains hommes exercent un pouvoir sur les autres. Elle
ne devrait pas être l’objet d’un débat quelconque dans la bouche d’un individu
qui se dirait inquiet de l’avenir de ses enfants, de ses semblables. Parler de
la France, ce n’est pas parler de nous.
Quant à vouloir (re)bâtir, c’est en soi une formulation
constructiviste et dirigiste typique. Ce n’est pas de bâtir quoi que ce soit
dont nous avons besoin, l’état construit déjà bien trop de choses avec l’argent
de nos impôts. Au contraire, il s’agit de déconstruire le monstre
bureaucratique national.
Mais revenons à son texte. Il est plein de contradictions,
hélas. Cela commence bien, avec un heureux « il faut refonder notre système politique que les partis se sont
accaparé » ; puis : « cette rénovation de l’État et des administrations publiques doit être
intégrale » ; mais qui trébuche aussitôt : « afin de restaurer l’autorité et le pouvoir
exécutif autour des domaines régaliens ». Ce n’est pas d’autorité dont
nous avons besoin, mais du retour au droit de chacun d’avoir sa propre
autorité.
Je ne serais pas surpris que les minarchistes se réjouissent
d’un tel appel à un recentrage sur le seul « régalien », et je me
dois de reconnaître que ce serait en effet un progrès. Mais nous allons voir
que la logique de ce candidat n’est pas aussi limpide, ni inspirée de la même
compréhension de la liberté.
Je le cite intégralement, car ce sera plus simple, en
mettant en exergue les contradictions : « Ainsi, l’intégralité des mesures prises durant le prochain quinquennat
seront guidées par cinq principes intangibles : le bien commun, c’est-à-dire
le bien de la société dans son ensemble ; la subsidiarité permettant
aux citoyens d’agir au sein de société, et à chaque personne de remplir
les tâches qui lui reviennent ; la responsabilité qui procède de
la volonté que chaque citoyen travaille au bien commun ; la
solidarité qui rappelle que tous les Français sont égaux en dignité et
doivent être soutenus par la société ; enfin la liberté qui est
l’apanage des peuples souverains et qui engendre nécessairement une
multiplication des initiatives. » La liberté devrait surtout être l’objectif
de l’action politique…
Saluons l’approche de ce général : Pour une fois, le
cœur d’un programme politique se veut reposer sur un noyau restreint de
principes qui ne relèvent pas d’un l’idéalisme béat. Pour autant, étudions ces
cinq principes, car ils sont décevants. A commencer par le bien commun.
Monsieur Tauzin, il n’y a pas de bien commun, votre formulation confond bien
avec objectif, ou but. Avoir ensemble le but commun du bien de tous, cela se
conçoit comme objectif social. Mais le bien commun, c’est marxiste.
La subsidiarité n’est pas un champ où l’individu peut faire
ce qu’on attend de lui, mais au contraire, où il est libre de ses décisions et
actions comme bon lui semble grâce à la garantie qu’aucune autorité arbitraire
n’a de légitimité ou pouvoir sur lui. De même la responsabilité n’est pas
affaire de volonté au sein d’un bien commun, mais de droit et devoir des
individus les uns envers les autres. Il est dommage que ce qui semble une bonne
volonté minarchiste soit gâchée par une telle confusion.
Le général finit par trois questions qu’il propose pour
referendum – encore un concept collectiviste. De prime abord, les questions
posées abordent de vrais sujets. Mais ce n’est pas d’un referendum plus ou
moins plébiscitaire dont nous avons besoin, mais d’action libératrice. L’urgence
n’est pas à la discussion de principes, mais à leur mise en œuvre par la
dissolution rapide de l’appareil d’état sous ses trop nombreuses formes. Ce
général semble chercher à se donner une allure de libérateur sinon de libéral,
mais ses contradictions risqueraient bien de n’en faire qu’un illusionniste de
plus.