Un dénommé Noé – cela ne s’invente pas – vient de faire
l’objet d’un entretien publié sur Contrepoint où on lui laisse nous faire
croire que « la pensée de l’Eglise » serait « profondément
libérale ». Mon dieu, que de confusion. Montrons qu’il n’en est rien, au
grand dam de beaucoup.
Au premier niveau, sans même aborder le sens mais en
observant les écritures, parler de l’Eglise et lui accorder une pensée est une
démarche profondément collectiviste et donc anti-libérale. Il n’y a d’Eglise
que dans la mesure où il y a un clergé et ses abbés, curés, évêques et autres
pape, tous individus doués de pensées – supposées – propres et individuelles
dont on ne peut tirer une Pensée.
Ensuite, parler de l’Eglise en lieu et place de ce qu’elle
est supposée porter, c’est-à-dire une religion, la religion catholique, c’est
faire un second abus. Car souvenons-nous qu’avant la Révolution, les Etats
généraux furent convoqués qui se composaient de l’Eglise comme un des trois
Etats d’alors.
L’Eglise est en effet un état : non seulement elle se pose
en monopole spirituel et moral, mais surtout nombreuses sont les périodes de l’histoire
où elle eut aussi le monopole de la force – Inquisition, Richelieu, Mazarin
pour ne citer que quelques épisodes sombres. Sans oublier le « libéral »
Vatican.
Or si une Eglise est analogue à un état, comment
pourrait-elle porter une once de libéralisme, quand l’état est par définition
ce qui nous éloigne le plus de la liberté ?
On en arrive à la religion, dont beaucoup avancent, s’agissant
du christianisme, qu’elle serait profondément libérale. Il me semble que cela
cache une dernière confusion, celle concernant dieu lui-même. Sans être un
spécialiste, il me semble qu’il y a deux grandes conceptions de dieu en ce
monde monothéiste : un dieu anthropomorphe et créateur conscient et
volontaire de tout ; et un dieu tout aussi universel, mais sans guère autre
objet que de matérialiser la dernière limite du savoir.
Le premier dieu, celui des catholiques, est aussi celui du
destin, de ce « qui est écrit », celui qu’on implore et qu’on prie,
bref, celui qui tient notre chance, voire notre libre arbitre entre ses mains. Comment
un tel dieu et toute pensée qu’il inspirerait pourraient-ils être libéraux,
alors que par essence nous sommes ses enfants dont il peut faire ce que bon lui
semble ? Je crains que le plus sophistiqué des arguments philosophiques n’arrive
à me convaincre de sa cohérence face à cela.
Reste la religion qui serait basée sur un dieu sans autre
vocation que de tirer révérence au fur et à mesure que nous n’avons plus besoin
de marquer les limites de notre connaissance. Je veux bien admettre que certaines
pensées inspirées par un tel être puissent nous parler de liberté. Mais je
doute que ce soit cette optique que défende ce Noé ou tant d’autres peu
cohérents.
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