Thursday, December 31, 2015

Subprimes, Big Data et autres Sornettes statistiques…

J’ai découvert ce matin un de ces TED Talk qui ne s’inventent pas : un certain Didier Sornette nous y donne son interprétation de la crise des subprimes, à base de « rois-dragons » et de yet-another modèle statistique, capable, rendez-vous compte, de prévoir les crises d’épilepsie, c’est dire ! (*)

On sait pourtant expliquer la crise de 2008 depuis avant même qu’elle existe, puisque dès 2006, voire avant, les économistes « autrichiens » l’avaient maintes fois annoncée, sans être écoutés bien sûr. (+)

Il est donc frappant qu’on continue, encore et encore, à imaginer les théories les plus folles pour expliquer ce phénomène, pourtant assez simple à la base. Mais plus surprenante encore à mon sens est la démarche intellectuelle suivie par tous les Sornette de ce monde gavé de subventions.

Je veux parler de l’empirisme aveugle. Celui, très à la mode, qui consiste à partir d’une masse de données plus ou moins en rapport avec le sujet et à tenter d’en tirer des tendances, puis à imaginer une explication plus ou moins délirante qui colle avec la ou les tendances identifiées. Aveugle, car la démarche ne part d’aucune théorie reconnue, elle la cherche par les données. Les faits seraient rois.

Or il y a essentiellement deux manières de mener une analyse de données. Soit on connait lesdites données, on sait ce qu’elles mesurent, donc on sait les replacer dans le contexte d’une théorie plus globale. Cette théorie guide alors notre questionnement et on cherche comment les données la matérialisent. C’est ce qui se passe quand on mesure la trajectoire d’une fusée, on la compare à celle qu’on attend de la trajectoire théorique, ce qui permet de corriger en cas d’écart trop important.

Et puis il y a le cas où la théorie n’existe pas encore, ou pas complètement. C’est ce qui se passe souvent en médecine et ce qui explique l’usage important des statistiques dans ce domaine où l’on cherche encore souvent à comprendre le corps humain. Là, les données permettent d’imaginer la théorie qui semble correspondre à la meilleure explication des observations. Mais une fois la théorie reconnue et établie, on se retrouve vite dans le premier cas où c’est alors elle qui sert de guide.

Notre Sornette quant à lui, comme hélas beaucoup, trop de pseudo-économistes, se comporte comme si nous étions dans le second cas. Des générations d’économistes ont établi les théories les plus solides quant à la monnaie et ces crises, et monsieur arrive avec ses rois-dragons. Magie noire ?

Ce qui est grave, ce n’est pas ce clown bien sûr. Ce qui est grave, c’est qu’on retrouve cette erreur méthodologique partout et constamment. On oublie les sciences et la logique pour préférer la magie des outils statistiques, en pensant peut-être que la statistique assure par elle-même le caractère scientifique de la démarche. Or cela est profondément faux. Les statistiques ne font que matérialiser une théorie, elles ne peuvent ni l’imaginer ni la valider : nous voyons le soleil nous tourner autour…

Cet engouement pour la statistique et l’empirisme aveugle s’exprime en ce moment avec le boom du « big data » en informatique. En gros, l’idée consiste à mettre toutes les données d’une entreprise dans un même pot et à « plonger dedans » pour y puiser de nouvelles sources d’optimisation, voire de nouvelles informations qui pourraient avoir une valeur économique. C’est le nouvel Eldorado.

Pourtant, c’est là encore le plus souvent juste de l’empirisme aveugle. Car soit on sait à l’avance comment on peut tirer de la valeur de ces nouvelles mises en relation, soit on risque de leur faire dire de grosses bêtises dignes des rois-dragons. Car on n’est pas dans un domaine comme la médecine où la recherche théorique a encore un objet, puisque ces données, on sait ce qu’elles sont.

On pourrait noircir bien des pages sur ce sujet, ma conclusion sera en forme d’alerte : soyons vigilants, sachons détecter et dénoncer les clowns et magiciens de la statistique, ils sont partout autour de nous et cherchent à nous faire avaler les pires idioties, pour mieux limiter notre liberté.


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