Lors d’une soirée dont la vidéo est sur Youtube, Christophe Goossens, avocat fiscaliste, n’a pas peur d’aborder un sujet qui en lui-même illustre une large part des malentendus dont la société libre fait l’objet. En effet, alors que les libertariens affirment pouvoir vivre sans le moindre impôt, son raisonnement finit par faire revenir l’impôt par la fenêtre et semble nous mettre face à un paradoxe.
L’orateur dans son intervention biaise d’emblée le débat en posant que pour lui comme pour bien des libertariens, dits « minarchistes », on ne pourrait pas totalement se passer d’état, ce qui conduit logiquement à imaginer l’impôt, mode de financement de l’état, comme incontournable.
La question devient alors double : outre celle de la possibilité de voir l’état disparaître, l’impôt peut-il vraiment disparaître, ou bien prend-il une autre forme, et si oui laquelle ? Après un bref rappel, voyons comment cet « impôt libertarien » se manifeste ou pas dans une société vraiment libre.
Commençons par clarifier que pour un libéral, ou libertarien, l’état est un concept qui revêt deux facettes, dont une seule est nocive, alors que l’autre est indispensable à toute société. Si on admet un « état » minimal qui serait réduit à la police, la justice et la défense, ce qu’on dénomme « fonction régalienne », il est impossible d’imaginer une société libre, pacifique et prospère, où le droit serait respecté, qui ne disposerait pas de cette « fonction régalienne », sous une forme ou sous une autre.
Par contre, le combat des libertariens consiste à exiger que cette fonction régalienne ne fasse pas l’objet de monopoles. Autrement dit qu’il y ait des services de police privés en concurrence sur le marché libre, et de même des services de justice privée en concurrence. La liberté vient d’une part du fameux « état de droit » apporté par le régalien, mais aussi par la concurrence entre les services régaliens qui assure qu’aucune organisation ne pourra abuser de son rôle pour nous oppresser. En fait, ce qu’on appelle « état » depuis Max Weber, c’est le monopole de la fonction régalienne.
Dans une telle société, dite société libre ou société de propriété privée, on comprend que la fonction régalienne existe encore, simplement elle vient du marché au lieu de venir de fonctionnaires. Dès lors, les impôts disparaissent bien en tant que tels, puisqu’il n’y a plus « d’état » monopole pour nous « imposer » de payer pour ses services, sans qu’on en ait le choix. Mais d’un autre côté, les services régaliens sont bien présents et offerts sur le marché, à condition de les payer, selon ses souhaits.
On retrouve donc bien le financement de la fonction régalienne, il ne disparaît pas dans une société libre. Mais au lieu d’être imposé, il devient libre offre et demande, il devient choix. Chacun peut choisir son niveau de service, son niveau de prix, son ou ses fournisseurs. Et il est d’ailleurs tout à fait possible que dans certaines situations, les gens optent pour des prix supérieurs aux impôts qu’ils payaient en « démocratie » - mais pour une qualité de services autrement supérieure, évidemment.
L’impôt libertarien est donc bien une erreur d’analyse, car il n’a pas de sens en tant que tel dans une société libre. Mais cependant, il revient sous une autre forme, ce qui je crois explique la confusion de notre ami fiscaliste. La différence entre les deux, c’est celle de la liberté, celle du libre choix.
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