Il y a
quelques jours, dans le Cercle des Libéraux, sévissait Guy Millière (GM) qui ne
trouvait rien de mieux à faire que se ridiculiser à propos des libertariens.
Je réponds
juste après à cet article court où une fois de plus un libéral incohérent crache
sur des idées qui sont pourtant celles-là mêmes qu’il prétend porter, mais dont
tout laisse à penser qu’il ne les maîtrise pas, ou plus.
Plus ancien,
et resté sans réponse de ma part jusqu’ici, est cet autre article de GM :
« La Pensée Libérale de Guy Millière», qui délire selon la même veine.
Devant sa mauvaise foi désormais réitérée – car dans le cas du traducteur d’Hayek,
je ne saurais supposer ni la bêtise ni l’ignorance – je vais également y répondre
un peu plus bas. Bonne lecture.
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Dans l’article
le plus récent, le Cercle interrogeait GM sur le mariage « pour tous »
ainsi : « Après le vote sur le projet de loi sur le mariage des
personnes de meme sexe, serions-nous entrain de vivre un libéralisme sociétal? »
(fautes d’origine)
Et GM de répondre :
« Je ne vois strictement pas ce que
le libéralisme pourrait venir faire là dedans. Ou plus exactement, je vois ce
que les idées libertariennes peuvent venir faire là dedans, mais pas les idées
libérales. »
Pardon ?
Agression caractérisée et gratuite si je ne me trompe. Non seulement il ne répond
pas à la question, mais il en profite pour piétiner des idées qui, on va le
voir, sont hors de cause et lui auraient permis de répondre.
Je rappelle
que les idées libertariennes sont très simples et « pures ». Deux
manières de les caractériser : le principe de non-agression universel et
le principe de l’absolue égalité de tous devant le droit naturel – ses deux
principes se dérivant l’un de l’autre. Et voilà ! C’est tout ! Qu’on
m’explique en quoi on pourrait faire plus libéral – sans faire libertaire, bien
sûr.
Sachez Monsieur
Millière que votre agression cache une forfaiture, une tartufferie, car il n’y
a pas d’autre libéralisme que celui des libertariens. Se revendiquer de Hayek
comme vous le faites pour ensuite tordre sa pensée ne fait pas vraiment de vous
son porte-parole, mais plutôt son porte-malheur. (Nous l’allons montrer tout à l’heure.)
L’auteur continue
et tente de donner de la substance à sa pique : « Les libertariens posent comme principe
directeur la liberté de l’individu et sa souveraineté sur lui-même. Ils en font
dériver la liberté de passer contrat. Le mariage étant un contrat, il leur est
possible de concevoir le mariage homosexuel comme un contrat passé librement
entre deux individus : cela dit, les libertariens étant hostiles à l’Etat,
l’idée d’un contrat entériné par l’Etat serait contraire à la conception
libertarienne du monde. » En effet, je ne peux que confirmer. Bravo. Voyons
où serait alors le problème.
« Pour des libéraux au sens hayekien du terme,
il importe de prendre en compte des dimensions plus vastes et plus profondes. »
Oh vraiment ? Et profondes en quoi donc s’il vous plait ? Je rappelle
que le seul, j’insiste, le seul principe fondant la Liberté, c’est celui du
respect du droit naturel. Henri Lepage l’a superbement résumé par sa définition
de celle-ci : « La Liberté, c’est
faire ce qu’on veut avec ce qu’on a ». Définition qui – outre la
volonté et donc le libre-arbitre – repose sur la seule propriété individuelle,
donc le droit naturel. Et vous voudriez qu’il y ait des « dimensions plus profondes » ?
Que nenni.
Ce que vous ne
semblez pas voir, c’est que toute autre « dimension » est hors de la
définition justement pour lui permettre
de contribuer à la Liberté. Intégrer toute autre « profondeur »
serait en réalité une source de réduction de la Liberté.
Vous tentez de
nous expliquer ces dimensions profondes. Sans surprise, il s’agit de la morale,
concept qui en effet dépasse l’individu : « Dans « La présomption fatale », Hayek parle du fait que « la
morale a été déterminée par des processus qui ne nous sont pas compréhensibles
» et «l’illusion rationaliste selon laquelle l’homme, en faisant usage de son
intelligence », pourrait inventer une morale. »
Ainsi donc, la
morale aurait été oubliée, ou mal comprise par les libertariens qui, myopes, ne
jurent que par le droit. C’est là la preuve de votre incompréhension, je le crains. Je répète l’idée précédente :
si la morale est volontairement hors du champs de la définition de la Liberté,
c’est justement pour que chacun puisse se positionner à sa guise envers la
morale.
Mais il ne s’agit
pas de dire que la morale n’existe pas. Il ne s’agit pas de la remplacer par le
droit. Ni de la rationaliser, comme vous voulez nous en accuser. Rien de cela n’est
vrai. Les libertariens disent simplement : chacun a le droit – et donc aussi
la responsabilité – de se comporter librement face à la morale. Mais bien évidemment,
tout déviant devra assumer ses actes.
Où est le
problème s’il vous plait ?
GM rappelle
alors la thèse de Hayek : « Le
mariage, la famille hétérosexuelle, l’éducation des enfants dans le cadre de la
famille hétérosexuelle font partie de normes morales déterminées par des
processus qui ne nous sont sans doute pas compréhensibles, mais qui ont assuré
l’existence de la civilisation dans laquelle nous vivons. » Fort bien.
Parfait.
Vous parlez
fort bien de la morale, cher Guy, mais elle ne nous est pas étrangère. En Libertalie,
chacun a le droit de vivre comme il l’entend, pourvu qu’il respecte le droit. Mais
en complément, Hoppe, grand auteur libertarien, vous dirait que le respect du
droit ne supposant pas celui de la morale, il faudrait en plus que le citoyen
affronte celle-ci. Donc le boycott et tous les autres mécanismes sociaux de
discrimination. Et que probablement cela suffit à conduire les déviants à se
retrouver entre eux. Et grand bien leur fasse. Soyons fiers de savoir à la fois
libérer et discriminer.
GM croit
pouvoir conclure par : « Prétendre
s’affranchir de ces normes morales et institutionnaliser cet affranchissement
relève de l’ « illusion rationaliste » et constitue un glissement délétère
vers la « présomption fatale » dénoncée par Hayek. »
Rien du tout.
Personne ne s’affranchit de rien et personne ne glisse vers quoi que ce soit. A
part vous vers la mauvaise foi.
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Passons au
premier article, resté sans réponse. L’article étant assez long, je me
limiterai aux quelques passages qui nous intéressent ici.
GM commence
par se poser en expert infaillible du libéralisme. Hélas, trois fois hélas… :
« Certains ont poussé la cuistrerie
jusqu’à vouloir me donner des leçons de libéralisme. » En effet, c’est
ce que je fais à cet instant. Et donc ? Il n’y a qu’une seule chose qui
compte : Avez-vous raison, oui ou non ? Et la réponse est : non.
Le reste importe peu…
« Cela fait plus de trente ans que je me
situe et que je travaille dans la mouvance libérale en France. […] J’ai traduit
ou fait publier en France quelques uns des livres majeurs de la pensée
libérale, et je n’ai aucune leçon à recevoir de gens qui étaient à l’école
maternelle quand je lisais déjà les œuvres complètes de Friedrich Hayek, de
Ludwig von Mises ou de Frédéric Bastiat. » - Il semblerait que ce
soit l’inverse qui soit vrai. Il n’est jamais trop tard pour évoluer dans son
analyse. L’ego en politique n’a jamais servi positivement la cause de la Liberté.
« Tout en considérant les libertariens comme
des gens appartenant à la mouvance libérale » - Merci, c’est trop.
« je n’ai, pour autant, jamais pu m’empêcher
de discerner dans leur pensée une dimension utopique qui a toujours suscité
chez moi des réserves : une utopie est la description d’une société idéale,
sans défaut, qui, dans la réalité, n’existe pas et ne peut pas exister. »
- Il y a pas moins de quatre erreurs dans cette vision « utopique »
de la société libre et privée (SLP) que décrivent et souhaitent les
libertariens :
- Utopie : La véritable utopie, c’est de croire qu’il est possible de concevoir une société libre grâce à un état. C’est une auto-contradiction puisque par construction, les membres de l’état sont « plus libres » que les autres.
- Sans défaut : Qui a dit que la SLP (ou Libertalie) était sans défaut ? L’homme connaît des défauts et donc toute société est acculée à les subir. Et le rôle de toute société est précisément d’en prendre acte pour les gérer au mieux. La Libertalie est par contre la société qui minimise les violations de la Liberté, c’est très différent.
- N’existe pas : Le droit naturel est partout. L’ordre spontané est partout. L’économie est partout. Et partout nous vivons tous au quotidien en partie selon la Libertalie, sans nous en rendre compte. Mais en effet, jamais complètement. De là à dire que nous sommes dans la totale irréalité…
- Ne peut exister : J’aimerais bien que GM me démontre cette affirmation gratuite et à l’emporte-pièce. Avant d’être construite, la Tour Eiffel elle aussi ne pouvait exister.
« Elle est une construction intellectuelle
logique, cohérente, qui peut dès lors exister en soi, dans l’esprit de ses
adeptes ou qui, pour les utopies totalitaires, peut être imprimée de force sur
un groupe humain, mais elle ne peut prendre consistance. » - Je
renouvelle ma demande : J’aimerais bien que GM me démontre cette
affirmation gratuite et à l’emporte-pièce. J’aime beaucoup le « c’est cohérent
donc ça ne peut exister. »
« Les sociétés humaines sont plus complexes
que les utopies. On ne peut prétendre construire une utopie, qui plus est, dans
un monde complexe et dangereux : on doit prendre en compte la complexité et la
dangerosité du monde. » - Guy Millière montre ici les limites de sa
pensée politique en commettant une cascade d’erreurs :
- Les sociétés humaines sont certes complexes, c’est là l’expression même de la Liberté. Mais cela n’implique pas que les mécanismes pour les faire fonctionner doivent eux aussi être complexes. C’est même là une erreur profonde qui est à la base de la justification des pires dictatures. On le voit avec nos 69 codes dont le nombre de pages va sans cesse à la hausse. La question n’est donc pas celle de la complexité dans l’absolu, mais celle des mécanismes minima permettant de faire fonctionner la société, ce qui est très différent. Et la thèse libérale, c’est que le respect strict du droit naturel suffit. J’attends la démonstration du contraire.
- On ne construit pas une utopie et il n’a jamais été le projet libertarien que de construire la Libertalie stricto sensus. En bons libéraux, notre projet politique passe par l’ordre spontané. Il s’agit que la société libre soit comprise et demandée par le peuple. A ce moment là, elle se mettra en place peu à peu et par le bas. Pas par le haut. C’est la stratégie de Ron Paul, celle du Mouvement des Libertariens et de la plupart des mouvements dans le monde.
- La prise en compte de la dangerosité du monde est un des phantasmes de GM, islamophobe bien connu. Mais Ron Paul – qu’il déteste – nous montre pourtant la voie : pacifisme résistant et expliqué. La menace islamique, tout comme la menace socialiste, ne disparaîtra que face à notre exemplarité et à notre pédagogie libérale. Il faut donner envie de Liberté aux peuples, par le commerce, par la rigueur, par l’explication et par la paix.
« Ce qui me mène à parler de mouvance libérale
et non d’idéologie, comme cela se fait ici ou là, tient précisément à ce que le
libéralisme, à mes yeux, n’est pas une idéologie, c’est à dire un ensemble
d’idées censées avoir réponse à tout, et constituant un système clos, mais un
ensemble ouvert d’idées, de principes » - Qui a dit le contraire ?
Voir ma définition tout au début, je voudrais qu’on m’explique comment on peut
faire plus simple et plus ouvert.
« en tant qu’ensemble ouvert, il ne peut à mes
yeux se limiter à une approche économique, et a, indissociablement,
fondamentalement, une dimension juridique. » - Encore une pique pour
les libertariens, mais qui fait plouf. GM croit que parce que Rothbard était économiste,
l’idée libertarienne ne serait qu’économique. Mais je l’invite à lire Ethique
de la Liberté pour le convaincre du contraire. Et je rappelle ma définition du
libéralisme, qui n’a rien d’économique.
« Le libéralisme, dès lors, est pour moi
l’ensemble des discours défendant le droit des êtres humains et la société
fondée sur le droit qui a été définie pour la première fois par John Locke dans
Two Treatises on Government. » - J’ai plaisir à voir qu’il dit la même
chose que moi. Il est dommage qu’il ne sache en tirer toutes les conséquences.
« le
gouvernement est le gardien du droit. Tant qu’il est gardien du droit, il est
légitime, lorsqu’il cesse d’être gardien du droit et excède la définition de
son rôle, il perd sa légitimité, et devient tyrannique. » - Non,
Monsieur Millière, non.
Vous commettez
ici l’erreur de tous les libéraux notamment minarchistes, confondre fonction régalienne
et opérateur desdites fonctions. S’il faut un mécanisme de préservation et d’application
du droit, les police et justice, il n’est en aucune façon obligatoire ni inéluctable
qu’un gouvernement soit la seule manière de fournir ce service. Tant que vous n’aurez
pas saisi cette nuance, vous ne pourrez pas pleinement comprendre la Liberté,
ni les libertariens.
« Une société de droit ne peut rester une
société de droit que si elle se donne les moyens de se défendre, et la défense
fait partie intégrante du rôle de gardien du droit, car, sans défense, le droit
peut se trouver vite écrasé. » - Qui a dit le contraire ?
« Dans un monde où il existe des régimes
totalitaires, des fanatiques, des terroristes (je parlais plus haut de
dangerosité), la défense implique d’endiguer ces régimes, ces fanatiques et ces
terroristes, voire de les mettre hors d’état de nuire s’il est avéré qu’ils
s’apprêtent à nuire. » - Non, Monsieur Millière, non.
Votre phrase
porte en elle-même la contradiction qui permet d’éclairer votre erreur : « la
défense implique d’endiguer ». Si on parle de défense, on parle d’un rôle
réactif ou tout au plus préventif, mais pas d’un rôle agressif. Je rappelle que
le libéralisme – voir plus haut – repose sur le principe de non-agression. Un
libéral se défend, certes, mais n’agresse pas. Or vous nous parler « d’endiguer », de « mettre hors d’état de nuire » ?
Il s’agit bien là d’agression si je ne m’abuse. Pire, vous suggérez cela avant
toute légitime défense et sur la simple présomption, indémontrable, « qu’ils s’apprêtent à nuire » !?
Et vous vous étonnez qu’ils continuent à nous haïr ?
« La notion de guerre juste est formulée par
Thomas d’Aquin, dont l’importance pour la pensée du droit naturel est cruciale,
et développée ensuite dans l’école de Salamanque, chez Francisco de Vitoria
particulièrement (cf. De Jure belli Hispanorum in barbaros). » - Même erreur,
Monsieur. Que je sache, ces auteurs étaient favorable à une guerre juste dans
le seul cas d’une défense réactive, mais jamais selon le principe horrible de
guerre préventive que vous mettez en avant. Grosse différence.
« Prétendre se situer dans le cadre du
libéralisme classique, en en excluant la défense, les implications de
l’économie planétarisée, l’existence du totalitarisme, du fanatisme, du
terrorisme, est recourir au mensonge ou faire preuve de méconnaissance grave. »
- Je crains que toute ma réponse soit de nature à montrer que le mensonge ou la
méconnaissance sont plutôt de votre côté.
« Parce qu’il est fondamentalement
utopique, le libertarianisme est condamné à rester marginal. » -
Permettez-moi de sourire. Quand bien même cela serait vrai, je n’y vois guère
dans ce cas de raison pour vous inquiéter et vous échauffer de la sorte. Vous
devriez rester très serein. Sauf bien sûr si, au fond de vous-même, comme je le
pense, vous savez bien que c’est au contraire le libertarianisme qui est l’avenir
de l’humanité – et que vous courrez pour monter dans le dernier wagon…
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