Friday, September 1, 2017

Travail par ordonnance

Ainsi donc, Macron fait parler de lui par un texte qui ose donner un léger coup de rabot au code du travail. Le projet aura fait beaucoup de bruit, c’est le but premier, et la teneur du texte sera l’objet de nombreuses critiques sur le détail des mesures ou mesurettes. Ce n’est pas ce que j’en retiendrai. Ce qui m’interpelle, c’est le fait même de passer par une – des – ordonnances.

Après sa large victoire, le président a réussi à la doubler par une marée de novices à sa bannière arrivés au Palais Bourbon, donnant ainsi la majorité à son gouvernement. On me dira qu’il reste le Sénat, mais avec celui-ci à droite, où est l’obstacle quand il s’agit de faire dans le libéral ? A moins bien sûr que la Droite du Sénat ne soit pas (vue comme) libérale, mais qui imaginerait une telle ironie ?

La question simple consiste alors à se demander pourquoi passer par le mécanisme de l’ordonnance, qui court-circuite toutes les institutions et les procédures habituelles, quand on a la majorité de l’assemblée à sa botte. Est-ce à dire que le gouvernement n’a pas confiance en ses députés pour voter une loi selon la procédure classique ? Ou pourrait-il y avoir d’autres raisons à cette manœuvre ? De plus, cette question amène celle de la portée de cette stratégie : le gouvernement par ordonnance se limitera-t-il au travail ?

Macron nous explique il y a quelques jours que le pays n’est pas réformable, mais juste après utilise un mécanisme de passage en force pour montrer qu’il arrive malgré tout à pousser une réformette. Comment voire en tout ce bruit plus de la posture qu’une réelle volonté de « marcher » de l’avant ?

Parler du besoin de réforme de la France, c’est constater l’immense besoin de libéraliser et de dérigidifier, d’éliminer le carcan de nos 69 codes, dont bien sûr celui du travail. Mais une fois ce constat fait, et une fois choisie l’option musclée de l’ordonnance, pourquoi limiter son ambition ? On se donne les moyens de faire la réforme, mais on accouche d’une souris. Forcément, il n’y a rien de moins réformable que ce qu’on ne tente jamais de réformer.

Une véritable ordonnance sur le travail aurait été utile si elle avait largement étêté l’Hydre du code du travail et son système tentaculaire qui englue tout énergie. On aurait pu rêver d’une abolition pure et simple du code dans son ensemble, du moins de son caractère légal et obligatoire. Imaginez un pays ou simplement le SMIC ne serait plus obligatoire, les 35 heures non plus, le chômage idem.

Voilà qui serait pertinent, à la hauteur des enjeux, et sans doute le signe d’un libéral plus évident. On se prendrait alors à rêver d’une série de 69 ordonnances, une pour chacun des codes inutiles qui seraient ainsi rendus au rang d’accidents de l’histoire. Voilà qui serait un travail d’ordonnance utile.

Mais serait aussi source d’inquiétude pour la liberté, car cela nous confirmerait la fragilité de notre système faussement démocratique, où comme dans une monarchie pourtant guillotinée, un parvenu est en mesure de faire le bien comme le mal, à sa guise et selon son humeur : il ne nous reste dans ce système que l’espoir qu’il sera inspiré et motivé pour nous « ordonner le bien » ou la liberté, au lieu de nous enfoncer un peu plus vers le gouffre comme le firent ses prédécesseurs. Pas la peine de donner des leçons de « démocratie » quand on concentre à ce point le pouvoir et l’arbitraire.

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