Je traite rarement de sujets liés à la santé et à l’assurance
maladie, n’étant pas du métier et d’autres le faisant bien mieux que moi. Or la
déliquescence accélérée du système qui a vu ces dernières semaines ses limites
dépassées par un simple accès de grippe justifie je crois de revenir sur
quelques clefs fondamentales. Des urgences grippées rendent urgentes certaines clarifications
des idées.
Oublions un instant le rôle sanitaire supposé des urgences. Je
dis « supposé » car je suis convaincu que tout le monde n’en a pas la
même compréhension, ce qui contribue au phénomène, mais peu importe. Constatons
simplement que la grippe a montré que le fonctionnement des urgences peut
conduire à une saturation extrême alors même qu’il ne s’agit que d’une maladie
bénigne. Il y a donc un problème de conception de l’accès aux soins puisqu’ils
ne sont pas capables de réguler tous seuls leur offre à la demande des patients
– ceci dit sans présager de l’état de santé réel des patients.
Or dès qu’on parle d’offre et de demande, il devrait être
assez naturel de faire le lien avec la célèbre loi économique, celle qui veut
que les prix montent quand l’offre baisse, et inversement. Mais en France, il
est tabou de voir la santé comme relevant de près ou de moins de la chose
économique. Pourtant, il s’agit bien d’un problème de régulation de l’accès à
des ressources rares, ce qui définit le champ usuel de la science économique –
oui, la science est bien une science, ce n’est pas le sujet.
Un prix pour les urgences ? Voilà donc une idée que
beaucoup trouveront peu orthodoxe, disons. Pourtant, c’était partiellement en
place dans l’ancien système, où les généralistes faisaient encore leur métier –
ceci dit sans chercher à les critiquer. En effet, pour une grippe, on restait
souvent chez soi pour se soigner : prix nul. Pour une méchante grippe, on
allait chez le docteur : prix d’une consultation. Les cas graves étaient
ensuite envoyés à l’hôpital, sans passer par les urgences. Et les urgences ne
recevaient que les cas qui le nécessitaient, ou presque. Noter que leur prix
était nul, ce qui implique que les urgences dans ce système fonctionnaient
parce qu’elles étaient en surcapacité.
En surcapacité, oui. Puisque si tout se passait bien, alors
que la capacité n’était pas adaptative, c’est qu’elle était ajustée sur un
niveau correspondant aux pics de demande. Donc la plupart du temps, la capacité
des urgences était sous-exploitée. Engorgement ou gaspillage par surcapacité,
voilà ce qui résulte obligatoirement d’une gestion non économique de l’accès
aux urgences, comme à toutes les autres formes de services de santé ou de soin.
Noter que mon raisonnement fonctionne sans tenir compte de la nature des soins
ni de la gravité des traumatismes ou maladies : peu importe.
Plus concrètement, imaginez. Un marché des urgences. Avec
des prix, et de la concurrence. Très vite, les riches payent le prix fort et
les autres galèrent ? Bah, il leur restera encore les urgences que nous
connaissons, elles sont si efficaces…. Mais bientôt, avec les profits
engrangés, les entreprises nous préparent des offres plus « low cost »,
concurrence oblige. Et peu à peu, tout le monde pourra aller aux urgences
payantes privées mais qui sont toujours disponibles et soignent pas plus mal.
Et avec un peu de chance, on pourra même payer par charité pour que les pauvres
puissent en profiter.
Pourtant, on nous dit que le système actuel est le meilleur
possible et le plus juste. C’est Bizarre.
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