Trump s’annonce comme un président bizarre. Il nous a
gratifiés d’un discours d’investiture mélangeant des tonalités quasi
libertariennes, où il s’adresse directement au peuple pour lui promettre de lui
rendre le pouvoir, et en même temps d’une approche très protectionniste de la
politique économique. Son « America First » est ainsi très ambigu, à
la fois économique et géopolitique, inquiétant et prometteur à la fois.
Prometteur sous l’angle géopolitique, il faut du moins oser
l’espérer. Parce si les Etats-Unis pouvaient, comme Trump l’a laissé entendre,
se retirer même en partie de leur gigantesque effort de guerre et d’occupation
dans le monde, tout le monde y gagnerait grandement. Leurs dépenses étatiques seraient
réduites d’autant, ce qui enrichirait en proportion les citoyens américains qui
pourraient nous acheter plus de produits ou services. La confiance remplacerait
peu à peu la défiance internationale dont les Etats-Unis sont souvent l’objet,
ce qui donnerait une chance de paix.
Beaucoup voient dans les discours dits isolationnistes,
telle la position de Ron Paul, une attitude de faiblesse n’allant pas dans le
sens de l’éradication de la menace terroriste. Je suis convaincu que c’est au
contraire en tenant une attitude ferme, intraitable, mais pacifique et sans ingérence
que la menace sera vaincue. Pour donner des leçons de paix, il faut commencer
par la pratiquer soi-même.
Mais cet America First est par contre inquiétant sous l’angle
économique. Que 170 ans après les textes de Frédéric Bastiat on en soit encore
à penser que le protectionnisme est une option pour l’enrichissement durable et
juste d’un pays nous en dit long sur l’intoxication intellectuelle généralisée
dont nos pays occidentaux ont fait preuve pendant toutes ses années. Car il
faut le confirmer au lecteur dubitatif, le protectionnisme, cela ne fonctionne
pas, c’est une certitude.
Si un roquefort est taxé à son entrée du pays, qui est
pénalisé ? Le producteur ? Non, puisque par hypothèse, il aura reçu
une commande au prix demandé et payé. Par contre, le consommateur a soudain à
débourser une somme supérieure pour le même produit. Les petits malins diront
que de ce fait, le consommateur se tournera donc probablement vers un roquefort
local, moins cher et moins taxé, ce qui est l’effet recherché. Sauf que si le
consommateur préférait le roquefort étranger, moins cher ou de meilleure
qualité, le contraindre à acheter local, c’est l’appauvrir en monnaie ou en
plaisir. En économie, il y a toujours ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas,
merci Bastiat.
Le projet de Trump est donc une certitude d’appauvrissement s’il
est largement mis en œuvre. Espérons que les Rand Paul et autres libertariens
au fait de la théorie économique arriveront à lui faire toucher du doigt que l’isolationnisme
militaire ne doit pas forcément se traduire par l’isolationnisme économique.
Pour les américains, d’abord, mais aussi pour donner l’exemple à nos fous
furieux, les lepenistes et autre communisants, qui auront tôt fait sinon de lui
emboîter le pas.
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