L’élection de Donald Trump a ravivé dans la presse et dans l’émotion
politique le thème du protectionnisme. Celui-ci n’est jamais qu’une variante d’un
autre thème, plus général, fondement même de l’interventionnisme politique
partout dans le monde, celui de la protection des statuts, c’est-à-dire des
privilèges et des monopoles. La vague contraire qui enfle en ce moment, celle
dite de l’uberisation de la société, ou désintermédiation, illustre le paradoxe
et l’incohérence de cette idée.
La vie politique en démocratie conduit le politicien non pas
à agir pour le « bien de tous », ou le « bien commun » ou
même celui de la majorité, mais au clientélisme, c’est-à-dire à acheter des
voix par l’octroi de privilèges à certaines catégories sociales – mais ce n’est
pas l’objet de ce billet.
Ainsi par exemple, accorder un monopole du transport par
voiture privative aux taxis, moyennant taxe ou licence, est une manière typique
d’acheter une catégorie sociale à sa cause. Un autre exemple évident seraient les
fonctionnaires, mais on retiendra plutôt les notaires, pour être plus précis et
afin – pour une fois – de ne pas taper sur ceux qui ont choisi ce statut malsain
et immoral.
Ainsi, les taxis font régulièrement les unes depuis quelques
mois, ce qui a permis au plus grand nombre de se rendre compte à la fois de
leur statut particulier, de la concurrence nouvelle à laquelle ils doivent
faire face, et justement, de leur féroce volonté et énergie à « lutter »
– horrible terme dans une société supposée libre et moderne – pour garder ce
statut qui les fait vivre sur notre dos.
De la même façon, les notaires voient leur profession
attaquée de toutes parts sur le Net. Avec les technologies de « blockchain »
par exemple, et plus largement par l’usage généralisé de documents
dématérialisés et de la cryptographie, leurs services de garantie d’authenticité
se banalisent et on ne vient plus les voir que parce que la loi nous oblige à
les payer grassement et sans raison valable.
En « luttant » de la sorte, les taxis comme les
notaires commettent plusieurs erreurs, qui révèlent le paradoxe des « monopoleurs ».
On passera sur leur incapacité à voir que leur « lutte » est immorale
car elle se fonde sur la revendication du maintien d’un statut qui ne peut être
qu’illégitime. Surtout, leur problème venant d’une concurrence nouvelle, ils
commencent par refuser de voir que celle-ci est forcément l’expression de l’existence
et du développement d’une clientèle peu satisfaite.
Première erreur, au lieu de mettre leur énergie à tenter de
reconquérir cette clientèle, leur « lutte » et ses effets sur l’image
qu’ils donnent d’eux-mêmes continue au contraire à poser les conditions d’un
plus grand écart de satisfaction encore. Et les voilà qui risquent tomber par
leur résistance qui pousse à ce que leurs concurrents les contourne. Belle ironie,
plus le temps passe, plus ils tombent.
Pire, ils ne savent pas voir l’occasion qui s’offre à eux. Ils
ne savent pas voir que leur métier a fait son temps, ou est sur le point d’un
renouvèlement profond. Leur enfermement dans leur statut leur a retiré tout
besoin de réflexion stratégique, remplacé par le besoin de résistance. Au lieu
de voir qu’ils pourraient reprendre à leur compte ces nouvelles technologies et
ainsi transformer leurs sources de revenus sous une forme qui les porterait
plus loin, ils mijotent leur propre disparition à petit feu.
Nous vivons décidément des temps extraordinaires. Ceux d’une
telle accélération de la technologie qu’elle pousse et bouscule tout ou presque
des situations établies et révèle les entrepreneurs face aux monopoleurs. Le
paradoxe que ceux-ci ne voient pas, c’est que leur résistance nous rend ainsi
service, car elle nous rapproche de leur disparition et du retour de la liberté
par la concurrence.
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