Monday, July 8, 2013

Cyber Mercantilisme

Fin avril, l’article en référence fait état du rachat de l’éditeur Arkoon par Cassidian, la branche « cyber » du groupe EADS.

Cet article est une magnifique illustration des délires étatistes actuels, français ou pas d’ailleurs, en matière de protectionnisme et de big-brotherisation, selon différents aspect, en plus. On mettra de côté, comme le fait implicitement le journaliste, la réalité qui veut que EADS soit une entreprise, et une entreprise de siège néerlandais et non français – nous sommes dans le détail, là, n’est-ce pas ?

Trois extraits sont spécialement croustillants. Le premier exprime, de la bouche d’une femme affichant pourtant style et prénom tout à l’opposé de l’image totalitarisante, la caricature habituelle de l’état se mêlant de ce qui ne le regarde pas :

« Fleur Pellerin ne voit probablement pas l’opération d’un mauvais œil. La ministre de l’Economie numérique avait exprimé, à l’occasion du Forum International de la Cybersécurité (FIC), qui se déroulait à Lille fin janvier, son souhait de voir « la cybersécurité se structurer davantage ». Pour elle, « la France souffre d’une absence de véritable politique industrielle dans ce domaine », du fait notamment d’acteurs « trop dispersés ». »

Ainsi revient le Nessie de la politique industrielle, cheval de bataille sans substance qui nous a donné le France, la sidérurgie dilapidée et en matière informatique, un exemple comme Bull qui n’en finit pas depuis 30 ans d’être le fer de lance en devenir de cette ambition qui ne finit jamais plus loin qu’un vague couteau en plastique. Les acteurs seraient donc dispersés, en clair on aime les PME, mais les PME c’est trop compliqué de les suivre pour les contrôler, donc on préfère les grosses boîtes bien big-brotherisables.

On ne va surtout pas jouer le libre-marché et l’innovations qui pourraient in fine développer notre savoir-faire par le simple jeu des PME. Trop incontrôlables. Et si une de ces jeunes-pousses devait trouver une technologie que l’état ne saurait pas maîtriser et détourner ? Car  c’est bien de cela qu’il s’agit, hélas. On critique les Facebook, Google et autres Apple qui auraient eu à collaborer avec les autorités outre-atlantiques, mais que croyez-vous qu’il advient de nos Thales-rien-de-nouveau ?
Là où la politique industrielle prend forme, c’est un peu plus loin dans l’article où la collusion entre les entreprises élues et Léviathan s’exprime sans voile et avec toute l’hypocrisie de circonstance (fautes garanties d’origine) :

« Dans un communiqué, Arkoon et Cassidian soulignent la dimension stratégiqu» de leur rapprochement, dans une perspective de « développement du tissu industriel européen de produits et solutions de cybersécurité », avec notamment la constitution d’une offre qui servira de « base solide pour assurer la sécurité des réseaux informatiques des gouvernements, des infrastructures critiques et des industries stratégiques. » Dans ce même communiqué, Jean-Michel Orozco, président de Cassidian CyberSecurity, souligne une volonté de faire « émerger un industriel d’envergure internationale, fournisseur de solutions européennes de confiance nécessaires à la sécurité des systèmes d’information. »

Oser afficher qu’une offre privée pourra être la base solide des systèmes des gouvernements, ce n’est rien d’autre qu’un aveu que la mise en concurrence de rigueur n’est qu’un mythe et que le délit de faciès se pratique couramment dans le milieu des affaires étatiques. C’est avouer que les marchés sont a priori et d’avance réservés à ces entreprises, indépendamment des qualités réelles de leurs offres ou de celles de leurs concurrents.

Le concept de solution de confiance « nécessaires à la sécurité » mérite une autre splendide tarte à la crème comme cliché de ce milieu. Car s’il est peu discutable que les systèmes étatiques aient besoin d’être sécurisés, ne serait-ce que pour protéger les données individuelles des divers pans de l’état lui-même. Mais en vertu de quel principe les solutions de EADS mériteraient-elles ce qualificatif de « nécessaires » ? Comment peut-on exclure a priori que la concurrence se saurait être encore plus  performante et donc « nécessaire » ? Bel exemple de copinage et de pratiques louches à moitié avoué.

Enfin, le verbiage jargonnesque qui suit vaut son pesant de cacahuètes quant à la philosophie qu’il exprime. Rappelons que les « APT » sont en réalité les piratages de longue haleine menés par les cyber-professionnels, NSA et Chine en tête. Mais justement, il s’agit de dire à la fois que EADS compte ainsi disposer des expertises pour répondre ou déjouer les APT de ces « vilains » (tiens, ils avaient donc besoin de renforts ?) et qu’ils comptent bien s’organiser pour mener eux aussi les mêmes espionnages envers les honorables entreprises chinoises ou amères loques.

« Surtout, pour le président de Cassidian CyberSecurity, cette opération doit permettre de construire une base de recherche et développement unique disposant de la masse critique nécessaire pour « rivaliser avec nos concurrents américains » et dégager les moyens « d’investir dans de nouvelles générations de produits répondant aux besoins des marchés de la défense, des gouvernements, et des opérateurs d’infrastructures d’intérêt vital », des cibles de menaces avancées persistantes (APT), rappelle-t-il. Une logique que confirme Thierry Rouquet : pour lui, les redondances existent, mais en rapprochant deux acteurs d’une certaine taille en France, mais « petits » en Europe et surtout dans le monde, Cassidian a vu une opportunité de « créer un leader européen ».  »

On comprend ainsi, avec ces trois travers qui s’expriment dans le même article – protectionnisme et mercantilisme français, collusion et copinage ostensible des acteurs dits privés et aveu d’hacktivisme professionnel – que le discours mielleux de façade cache une réalité qui est loin d’être motivée par l’intérêt de garder sa neutralité au Net et leur intimité aux français internautes-moyens. Une fois de plus, l’exemple l’illustre à merveille : l’étatisme pourrit tout ce qu’il touche.


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