Fin avril, l’article en référence fait état du rachat de l’éditeur Arkoon par Cassidian, la branche
« cyber » du groupe EADS.
Cet article est une magnifique
illustration des délires étatistes actuels, français ou pas d’ailleurs, en
matière de protectionnisme et de big-brotherisation, selon différents aspect,
en plus. On mettra de côté, comme le fait implicitement le journaliste, la
réalité qui veut que EADS soit une entreprise, et une entreprise de siège
néerlandais et non français – nous sommes dans le détail, là, n’est-ce
pas ?
Trois extraits sont spécialement
croustillants. Le premier exprime, de la bouche d’une femme affichant pourtant
style et prénom tout à l’opposé de l’image totalitarisante, la caricature
habituelle de l’état se mêlant de ce qui ne le regarde pas :
« Fleur Pellerin ne voit probablement pas l’opération d’un
mauvais œil. La ministre de l’Economie numérique avait exprimé, à l’occasion du Forum International de la Cybersécurité
(FIC), qui se déroulait à Lille fin janvier, son souhait de voir « la
cybersécurité se structurer davantage ». Pour elle, « la France souffre d’une
absence de véritable politique industrielle dans ce domaine », du fait
notamment d’acteurs « trop dispersés ». »
Ainsi revient le Nessie de la
politique industrielle, cheval de bataille sans substance qui nous a donné le
France, la sidérurgie dilapidée et en matière informatique, un exemple comme
Bull qui n’en finit pas depuis 30 ans d’être le fer de lance en devenir de
cette ambition qui ne finit jamais plus loin qu’un vague couteau en plastique.
Les acteurs seraient donc dispersés, en clair on aime les PME, mais les PME
c’est trop compliqué de les suivre pour les contrôler, donc on préfère les
grosses boîtes bien big-brotherisables.
On
ne va surtout pas jouer le libre-marché et l’innovations qui pourraient in fine
développer notre savoir-faire par le simple jeu des PME. Trop incontrôlables.
Et si une de ces jeunes-pousses devait trouver une technologie que l’état ne
saurait pas maîtriser et détourner ? Car c’est bien de cela
qu’il s’agit, hélas. On critique les Facebook, Google et autres Apple qui
auraient eu à collaborer avec les autorités outre-atlantiques, mais que croyez-vous
qu’il advient de nos Thales-rien-de-nouveau ?
Là où la politique industrielle
prend forme, c’est un peu plus loin dans l’article où la collusion entre les
entreprises élues et Léviathan s’exprime sans voile et avec toute l’hypocrisie
de circonstance (fautes garanties d’origine) :
« Dans un communiqué, Arkoon et Cassidian soulignent la
dimension stratégiqu» de leur rapprochement, dans une perspective de
« développement du tissu industriel européen de produits et solutions de
cybersécurité », avec notamment la constitution d’une offre qui servira de «
base solide pour assurer la sécurité des réseaux informatiques des
gouvernements, des infrastructures critiques et des industries stratégiques. »
Dans ce même communiqué, Jean-Michel Orozco, président de Cassidian
CyberSecurity, souligne une volonté de faire « émerger un industriel
d’envergure internationale, fournisseur de solutions européennes de confiance
nécessaires à la sécurité des systèmes d’information. »
Oser afficher qu’une offre
privée pourra être la base solide des systèmes des gouvernements, ce n’est rien
d’autre qu’un aveu que la mise en concurrence de rigueur n’est qu’un mythe et
que le délit de faciès se pratique couramment dans le milieu des affaires
étatiques. C’est avouer que les marchés sont a priori et d’avance réservés à
ces entreprises, indépendamment des qualités réelles de leurs offres ou de
celles de leurs concurrents.
Le concept de solution de
confiance « nécessaires à la sécurité » mérite une autre splendide
tarte à la crème comme cliché de ce milieu. Car s’il est peu discutable que les
systèmes étatiques aient besoin d’être sécurisés, ne serait-ce que pour
protéger les données individuelles des divers pans de l’état lui-même. Mais en
vertu de quel principe les solutions de EADS mériteraient-elles ce qualificatif
de « nécessaires » ? Comment peut-on exclure a priori que la
concurrence se saurait être encore plus performante et donc
« nécessaire » ? Bel exemple de copinage et de pratiques louches
à moitié avoué.
Enfin, le verbiage jargonnesque
qui suit vaut son pesant de cacahuètes quant à la philosophie qu’il exprime.
Rappelons que les « APT » sont en réalité les piratages de longue
haleine menés par les cyber-professionnels, NSA et Chine en tête. Mais
justement, il s’agit de dire à la fois que EADS compte ainsi disposer des
expertises pour répondre ou déjouer les APT de ces « vilains »
(tiens, ils avaient donc besoin de renforts ?) et qu’ils comptent bien
s’organiser pour mener eux aussi les mêmes espionnages envers les honorables
entreprises chinoises ou amères loques.
« Surtout, pour le président de Cassidian CyberSecurity, cette
opération doit permettre de construire une base de recherche et développement
unique disposant de la masse critique nécessaire pour « rivaliser avec nos
concurrents américains » et dégager les moyens « d’investir dans de nouvelles
générations de produits répondant aux besoins des marchés de la défense, des
gouvernements, et des opérateurs d’infrastructures d’intérêt vital », des
cibles de menaces avancées persistantes (APT), rappelle-t-il. Une logique que
confirme Thierry Rouquet : pour lui, les redondances existent, mais en
rapprochant deux acteurs d’une certaine taille en France, mais « petits » en
Europe et surtout dans le monde, Cassidian a vu une opportunité de « créer un
leader européen ». »
On comprend ainsi, avec ces
trois travers qui s’expriment dans le même article – protectionnisme et
mercantilisme français, collusion et copinage ostensible des acteurs dits
privés et aveu d’hacktivisme professionnel – que le discours mielleux de façade
cache une réalité qui est loin d’être motivée par l’intérêt de garder sa
neutralité au Net et leur intimité aux français internautes-moyens. Une fois de
plus, l’exemple l’illustre à merveille : l’étatisme pourrit tout ce qu’il
touche.
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