Ce matin, un quidam sur FB m’envoie tout un texte pour réagir assez vigoureusement à un de mes posts où je traitais un Démocrate ex-Banque mondiale d’étatiste. Heureusement, bien que s’insurgeant devant mon libéralisme éhonté, il restait courtois et demandeur d’explications.
Assez rare pour que je réponde, donc.
Voici ses questions en regard à l’étatisme que je diagnostiquais :
« Un étatiste a encore moins de définition stricte, qu’un libéral. Car il y a [beaucoup] de concepts différents d’État.
Qu’est-ce l’État ? Comment le définir, sinon qu’à partir du plus petit dénominateur commun : un peuple avec ses lois et ses frontières.
A partir de là, un étatiste est une définition en creux, manquant de subtilité. »
Je sais, on me le dit souvent, je suis trop binaire, je manque de subtilité donc. La subtilité ne pourrait donc s’exprimer que dans le flou, le gris, jamais dans la rigueur ni l’exactitude, encore moins dans le blanc ni le noir. Pauvre monde.
Mais revenons à notre mouton, son argument semble être sur la conception de l’état, arguant deux choses, que l’état serait multiforme et donc l’étatisme serait vide de sens. L’état indéfinissable ne serait en fait rien d’autre qu’un peuple au sein d’une frontière.
Il est absolument vrai que le mot ‘état’ (je ne mets jamais de majuscule) est un concept souvent flou dans l’esprit de bien des gens. Un état est en effet, en première analyse, attaché à un peuple et à une frontière. D’où d’ailleurs de nombreuses confusions quotidiennes entre ce terme et les ‘nations’, ‘peuple’, ou encore ‘pays’ qui le côtoient.
Pourtant, ce n’est pas si simple. Revenons un instant à l’ancien régime et notre chère révolution. On se rappelle des Trois états : noblesse, clergé et Tiers état. Tiens, trois états sur le même territoire ??? C’est parce que le clergé, l’église, en tant qu’organisation – pas la religion – est en effet elle aussi un état : on le verra plus bas, elle possède le monopole de l’arbitrage en matière de pensée et d’attitude religieuse.
De nos jours, l’Islam est un ‘second’ état pour bien des pays, arabes mais pas seulement. Et que dire du Judaïsme en Israël ? Si on revient sur l’état politique, état et peuple s’intersectent avec la notion de nationalité. Je suis français, je relève de, « j’appartiens » à l’état français si j’ai la nationalité française. Mais si j’ai double nationalité ? Ai-je droit à double état, ou non ? Et si je vis à l’étranger, ne suis-je plus français ?
On voit vite, par ces exemples simples, que l’état ne peut pas se définir par le simple couple (peuple + frontières) et qu’il faut donc passer par une autre définition.
Or dans la vie sociale, universellement à ce que je sache, l’état n’est pas une abstraction, encore moins une personne morale, mais tout simplement une organisation assurant une fonction sociale. Bien sûr, pas n’importe quelle organisation ni n’importe quelle fonction sociale.
Pourtant, la forme d’organisation importe peu. Ce qui compte, c’est qu’il s’agit in fine d’une bureaucratie, c’est-à-dire d’une forme d’oligarchie sans chef réellement unique qui dispose de suffisamment de moyens, pouvoir et/ou légitimité envers le peuple.
Plus importante est la fonction. Je ferai référence à trois définitions, mais qui reviennent au même. La première est la plus connue je pense, celle de Max Weber : l’état a le monopole de la violence physique. Moins connue, ignorée de la plupart car son auteur reste peu connu – sinon, nous n’aurions pas ce genre de débat – celle de Hans-Hermann Hoppe : l’état a le monopole des décisions de dernier recours. Et bien sûr, le grand classique minarchique, l’état assure les fonctions régaliennes – la liste desquelles d’ailleurs, n’est pas sans être elle-même contestée.
Pour ma part, je préfère celle de Hoppe, car elle est plus universelle.
Par rapport à de telles définitions, on peut avoir plusieurs attitudes :
- on y adhère strictement, on voit l’état comme strictement régalien.
- on les conteste, mais a minima, c’est-à-dire qu’on considère que l’état devrait être encore plus réduit que cela ; c’est mon cas.
- on les conteste, a maxima, i.e. on pense que l’état a légitimité, voire devoir à intervenir dans des domaines bien plus larges que le strict régalien.
Pour faire simple ici, mais on pourrait développer, l’étatisme selon moi, c’est la troisième option.
Ces trois définitions sont in fine équivalentes. Dans les trois cas, le point important, c’est que l’organisation sociale accorde à un ‘organe’ plus ou moins défini dans sa forme le >droit< d’exécuter le droit, l’exécutif donc. L’état a ce privilège social d’être juridiquement et universellement ‘au-dessus’ du peuple pour régler les conflits sociaux, puisque >seul< il peut >arbitrer< avec >force< si besoin. Voilà les trois mots clés posés.
Je ne crois pas possible ni crédible de partir sur une définition de l’état qui serait totalement différente d’une telle vision. Si cela devait être le cas, c’est sur ce point qu’il faudrait poser le débat.
Pour revenir sur ma logique et mes trois options ci-dessus, il faut mettre un autre point important en lumière : après la fonction, l’organe. En fait, lorsque je dis que je conteste ‘a minima’, ce n'est pas vraiment à la fonction étatique que je pense. Dans les trois mots ci-dessus (seul, arbitrer, force) il en est un qui est totalement indispensable dans une société : l’arbitrage des conflits. Mais par contre, c’est le seul.
Car, pourquoi cet arbitrage devrait-il n’être confié qu’à un seul organe unique et qui plus est qui pourrait nous imposer son arbitrage par la force ? Je suis donc pour ma part pour une >fonction< que je qualifierai « d’ordre étatique » (au sens de l’arbitrage de dernier recours) >mais< qui soit confiée à un >ensemble d’entités< qui opèrent cette fonction sans que jamais aucune entité n’ait pas le >monopole< de cet arbitrage.
Pour finir, sur l’étatisme, il s’agit donc selon moi de cette croyance, mouvance, idéologie, appelons cela comme on veut, qui voudrait nous faire croire que l’état (bureaucratie) serait légitime à intervenir dans de nombreux champs de la vie sociale, pour ne pas dire tous. Alors que seule la fonction d’arbitrage n’est légitime, et que même cette fonction n’exige en aucune façon une quelconque bureaucratie.
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