L’actionnariat salarial est à la mode chez les libéraux. Il
est censé véhiculer une dynamique entrepreneuriale vers la classe moyenne,
rendre accessible le capitalisme et sa logique d’entreprise au plus grand
nombre. Comme le statut d’auto-entrepreneur, il se veut démocratiser l’entreprise
et remotiver les masses. Surtout, il est censé être un excellent moyen de
motiver les salariés d’une entreprise, souvent de belle taille, au succès
économique de celle-ci. Les patrons, ou du moins les concepteurs de ce statut,
imaginent fidéliser et dynamiser des salariés qui sinon pourraient plus
facilement lever le pied ou regarder ailleurs si l’herbe y est plus verte. Un
statut miraculeux ?
Pour l’avoir vu de l’intérieur, dans une grande entreprise
de services informatiques qui comme par hasard vient de se faire racheter, je
suis pour ma part convaincu que ce statut est en réalité néfaste à long terme,
pour tout le monde. Imaginez par exemple un groupe où la part des salariés est
si forte dans l’actionnariat que leur collectif siège au conseil
d’administration pour y bloquer toute option jugée de nature à imposer de trop
forts changements aux salariés. Pire qu’un syndicat classique.
Il me faut dire que je dois ma conviction en grande partie à
Pascal Salin, qui dans son excellent ouvrage « Libéralisme »,
consacre plusieurs pages à ce sujet. Pour y expliquer que contrairement à ces
idées reçues, l’actionnariat salarial n’est pas la panacée libérale que
beaucoup s’imaginent.
L’analyse qu’en fait Pascal Salin est assez simple et repose
sur la comparaison de la logique entrepreneuriale des deux statuts de salarié
et d’actionnaire. Car il faut se souvenir que nous sommes tous des
entrepreneurs, même quand on est salarié, et que les multiples statuts
possibles ne sont que des réponses libres et individuelles à la prise de risque
à laquelle chacun de nous fait face chaque jour.
Un salarié est ainsi un entrepreneur individuel qui a choisi
de passer un contrat exclusif avec une entreprise. Il lui promet de lui fournir
travail et savoir-faire en échange d’un revenu stable et assuré. Son pari est
celui de la sécurité, à laquelle il sacrifie la possibilité de gain
supplémentaire si l’entreprise réussit mieux que prévu. L’actionnaire raisonne
exactement à l’inverse. Il investit à long terme, il sacrifie le revenu sûr et
régulier pour parier sur le fort dividende une fois l’entreprise mûre et
prospère. Le salarié privilégie le court-terme, l’actionnaire est sur le
long-terme.
On rétorquera que justement, l’actionnariat salarié permet
de profiter et du court et du long terme. Sauf quand il s’agit d’arbitrer et de
prendre des décisions stratégiques. Quand une entreprise doit fermer un site ou
licencier, qui prendra la décision ? L’actionnaire ou le salarié,
peut-être concerné ?
Je pense ce statut incohérent : si vous croyez au
projet de votre entreprise, ayez le courage d’en être actionnaire. Si vous
restez salarié, c’est que vous n’y croyez pas vraiment.
L’actionnariat salarial est un produit du clientélisme social-démocrate, qui veut donner l’illusion au peuple qu’il pourrait devenir entrepreneur et riche sans avoir à en payer le prix, voire en faisant payer ce prix par les vrais entrepreneurs que sont les actionnaires traditionnels. Une mascarade socialiste de plus, en sorte.
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