Tuesday, January 1, 2013

Confidentialite et Anonymat - Remettre les choses dans l'ordre


Dans un article de Contrepoint (lien ici), une analyse tout à fait intéressante est proposée de l’impact de la puissance informatique sur la réalité de certains concepts fondamentaux de  l’informatique comme la confidentialité des données et par voie de conséquence sur l’anonymat sur Internet.

J’avais proposé un article à Contrepoint (lien ici) qui l’avait refusé sous le prétexte que l’autre article était plus en ligne avec leur position sur le sujet de l’anonymat. Argument bizarre.

La thèse de l'article de Contrepoint peut être résumée ainsi. Chaque jour, les données laissées par chacun de nous sur le Net croissent en volume mais aussi en diversité. Par ailleurs, la puissance de calcul disponible et des algorithmes toujours plus sophistiqués font qu’il est devenu possible de traiter ces données en temps fini et d’en tirer des corrélations suffisamment fortes pour que votre anonymat et même certains de vos secrets n’y résistent plus.

Et il est vrai que certains sont aujourd’hui capables de deviner votre ou vos mots de passe par le simple croisement des informations que vous laissez ou partagez sur disons Facebook concernant vos loisirs ou autres.

Dès lors, il est essentiel de redoubler de vigilance sur Internet si l’on souhaite protéger sa vie privée – notamment selon ses idées politiques. Ma position qui consiste à l’inverse à expliquer que l’anonymat ne sied pas à un libéral engagé serait donc tout ce qu’il y a de candide pour ne pas dire ridicule.

Pourtant, je persiste, car je pense que l’article de Contrepoint passe en fait à côté du vrai sujet. Il est même auto-contradictoire, puisqu’il tente de justifier l’anonymat tout en expliquant qu’il est de plus en plus illusoire.

L’argument central avancé par l’auteur, qui est techniquement juste, consiste à dire que la confidentialité de notre identité est désormais toute relative du fait de la puissance de corrélation disponible. Mais c’est le même argument que celui d’une arme : ce n’est pas parce que la bombe atomique existe que nous sommes déjà tous morts ni qu’on doit bannir le nucléaire. Ce qui fait l’arme, c’est l’usage qui en est fait.

Autrement dit, pour que l’auteur ait raison, il faut plusieurs conditions, qu’il oublie hélas de rappeler. En premier lieu, il faut avoir les moyens d’une puissance de calcul substantielle. Et de plus, ceux qui disposeraient de la puissance de calcul doivent aussi avoir accès aux données. Trois cas viennent à l’esprit : un état via sa police, une organisation de pirates, ou une grande entreprise privée. Toutes trois pourraient disposer de tels moyens.

Or quelles que soient les inférences qu’on puisse tirer de telles analyses sophistiquées, tant qu’une telle information ne donne pas lieu à malveillance, où est le problème ? Si Carrefour ou Auchan analysent mon profil Facebook pour en tirer une meilleure connaissance de mes goûts et envies, où est le problème ?

Par contre, bien sûr, si c’est un état qui se permet de me surveiller, ou un hacker qui cherche mes codes d’accès bancaires, c’est une tout autre histoire. Mais dans ce cas, ce n’est pas la faiblesse de la confidentialité de mes données qui pose problème, mais d’une part la faiblesse de la police du net – ou de ses mesures de sécurité – et d’autre part l’excès de pouvoir des états sur le Net. C’est cela qu’il faudrait dénoncer, c’est cela la vraie question. Mais l’auteur passe à côté.

Ma position quant à l’anonymat consiste à dire que lorsqu’on est militant de la liberté, on se doit de tenir tête à Léviathan et avoir le courage de ne pas se cacher derrière un pseudonyme, malgré le risque évident. Car c’est entre autres ce courage qui peut à la fois inquiéter le monstre et mobiliser d’autres militants. Et voilà en gros qu’on m’explique que parce que la confidentialité est devenue fragile, ma thèse ne tient pas ? Autrement dit, on promeut un anonymat qu’on explique pourtant ne plus avoir de sens. J’ai dû louper un épisode.

Pour finir, l’argument massue des anonymes, tel un certain Libertarien Minarchiste, doux crédule, serait celui de nos vaillants Résistants pendant la Seconde guerre mondiale. Heureusement que ceux-ci ont eu recours aux pseudonymes, sinon nous ne serions peut-être pas là – ce qui est probablement vrai. Dès lors, qui suis-je pour traiter de lâches ceux qui adoptent les pratiques de ces grands hommes ?

La résistance impliquerait-elle donc l’anonymat ? Le problème c’est qu’on compare choux et carottes. Nous ne sommes, heureusement, pas encore en état de guerre et il nous reste encore un peu de liberté d’expression, ce qui n’était pas leur cas, autant en profiter. De plus, à l’époque, l’anonymat était justement une vraie protection, alors qu’on m’explique qu’elle ne l’est plus vraiment de nos jours…

Surtout, l’objectif n’est pas le même. Il fallait à l’époque détruire un ennemi bien identifié par tous. De nos jours, il s’agit de réveiller nos congénères à un ennemi dont ils n’ont pas conscience. Comment dès lors leur parler et les informer cachés derrière un masque, fut-il celui de V ?

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